Montaigne et La Boétie : l’inexplicable amitié
Récit – La plus célèbre des amitiés fut un attachement de jeunesse, fulgurant. Interrompue par la mort soudaine de La Boétie, elle continua de vivre à travers les écrits de Montaigne, bien conscient que cette relation était aussi intense qu’insaisissable.
« Parce que c’était lui, parce que c’était moi » : la plus célèbre déclaration d’amitié est celle de Montaigne, l’auteur des Essais, à son défunt ami, Étienne de La Boétie, poète, juriste, philosophe et auteur du non moins fameux Discours de la servitude volontaire. Elle condense, en une économie de mots, le mystère et la force du lien qui unit les deux hommes. Ils ne se sont pourtant connus que six ans, durant les dernières années de vie de La Boétie, mort à 32 ans, sans doute de la dysenterie.
La rencontre remonte à 1557. Montaigne a alors 25 ans. Il est à cette époque moins connu que son ami, dont le fameux Contr’un, qui sera publié à titre posthume, circule déjà dans les milieux intellectuels bordelais. L’ayant lu avec enthousiasme, Montaigne souhaite rencontrer son auteur, qui siège comme lui au Parlement de Bordeaux. L’amitié commence donc par un désir. Rien à voir avec « ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu’accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité ». Montaigne et La Boétie n’étaient pas destinés à se rencontrer. Mais une fois qu’ils se sont trouvés, leur rencontre prend l’allure d’un destin. Les deux hommes s’entendent immédiatement. Ils partagent une culture humaniste, un même goût pour la réflexion – et un souci commun de ramener la paix alors que les guerres de religion font rage. Toutes ces explications, pourtant, sont insuffisantes aux yeux de Montaigne. « Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer, qu’en répondant : “Parce que c’était lui ; parce que c’était moi.” »
En août 1563, sur son lit de mort, La Boétie confie à son ami Montaigne une ultime mission : l’édition de ses œuvres, qu’il n’a pas eu le temps de publier, fauché par la peste à 32 ans. Or, l’auteur des «Essais» ne publiera jamais le …
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