La Boétie trahi par Montaigne?
En août 1563, sur son lit de mort, La Boétie confie à son ami Montaigne une ultime mission : l’édition de ses œuvres, qu’il n’a pas eu le temps de publier, fauché par la peste à 32 ans. Or, l’auteur des «Essais» ne publiera jamais le «Discours». Trahison posthume ? Ou ultime témoignage d’amitié ?
Le mystère alimente les hypothèses les plus folles, faisant de Montaigne le véritable auteur du Discours ou de La Boétie la victime d’un empoisonnement… Le Discours a pourtant été l’occasion de la « première accointance » entre les deux hommes. Lorsqu’ils se rencontrent à Bordeaux, Montaigne a déjà lu le sulfureux écrit du juriste périgourdin et reconnaît en lui son alter ego. Pour La Boétie, leurs deux âmes sont « telles, une fois unies, que rien ne saurait disjoindre ». Pas même une promesse non tenue ? Montaigne se dérobe une première fois, en 1571 : il fait paraître les traductions et poèmes de son ami défunt, mais pas le Discours, ni le Mémoire touchant l’Édit de janvier 1562, qui appelle à une réforme de l’Église. Ces œuvres, justifie-t-il, ont « la façon trop délicate et mignarde pour les abandonner au grossier et pesant air d’une si mal plaisante saison » : la fragile paix de Saint-Germain, en 1570, n’a que provisoirement apaisé les guerres de religion. C’est donc dans les Essais, dédiés à la mémoire de « l’ami le plus doux, le plus cher et le plus intime », qu’il se résout à publier l’encombrant pamphlet. Or, l’essai « De l’amitié », publié en 1580, est l’occasion d’une curieuse volte-face : dans cet hommage à La Boétie – où la célèbre formule « parce que c’était lui : parce que c’était moi » sera ajoutée ultérieurement – le Gascon annonce l’insertion du Discours avant de botter en touche : « Je me suis dédit de le loger ici, explique-t-il, parce que j’ai trouvé que cet ouvrage a été depuis mis en lumière, et à mauvaise fin, par ceux qui cherchent à troubler et à changer l’état de notre police. » De fait, les huguenots se sont entre-temps accaparé l’écrit de La Boétie, finalement présenté comme un « sujet traité par lui en son enfance, par manière d’exercitation seulement ». Comment comprendre cette rebuffade ? Montaigne a-t-il voulu préserver son ami d’une instrumentalisation politique ? Ou faut-il chercher à son refus des motifs moins nobles ? Membre de la puissante chevalerie de Saint-Michel, l’ex-magistrat avait intérêt à conserver les bonnes grâces du pouvoir royal. Gageons que La Boétie, qui reconnaissait en Montaigne « le juge le plus équitable de [s]on esprit », ne s’était pas trompé.
On trouvera les premières pages du “Discours de la servitude volontaire”, suivies des passages les plus marquants du texte.
Récit – La plus célèbre des amitiés fut un attachement de jeunesse, fulgurant. Interrompue par la mort soudaine de La Boétie, elle continua de vivre à travers les écrits de Montaigne, bien conscient que cette relation était aussi…
Un épais mystère entoure toujours le Discours de la servitude volontaire : ni les circonstances de sa composition, ni sa cible potentielle ne sont clairement identifiées.
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“C’est moi que je peins”, écrit Montaigne. Que peut bien inspirer ce projet à celui qui écrit que “le moi est haïssable” ? S’il combat l’auteur…
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Vers 1558, à Bordeaux, deux jeunes hommes engagent la conversation lors d’un dîner officiel. C’est le début d’une amitié si intense qu’on aurait pu les dire enamourés.
Lorsque Montaigne célèbre son ami irremplaçable, Étienne de La Boétie, il touche, pour André Comte-Sponville, à l’essence même de l’humanité.