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© Emmanuel Polanco

Mon ADN, mes ancêtres et moi

Philippe Huneman publié le 22 octobre 2019 15 min

Que révèlent mes gènes sur mes origines ? Philippe Huneman, philosophe spécialiste des questions de biologie, a fait un test génétique pour découvrir qui étaient ses ancêtres. Il nous en livre les résultats et s’interroge sur la manière dont son itinéraire personnel se nourrit de l’histoire de l’humanité.

« D’où je viens ? » Face à cette énigme qui touche au cœur de mon identité, la biotechnologie la plus récente propose une réponse accessible à tous avec les tests génétiques dits d’ancestralité. Que nous apprennent-ils sur des aspects intimes de nous-mêmes ? Et que doit-on véritablement en attendre ? Pour répondre à ces questions, je m’y suis collé moi-même. Ce type de tests étant interdits en France, on doit s’adresser à des compagnies américaines qui le vendent sur Internet ; deux sociétés dominent ce marché, 23andMe et Ancestry. J’ai choisi la première qui dispose d’une plus grosse base de données, même si, au fond, les deux se valent.

La vogue de ces tests s’explique par la mystique de l’ADN – l’idée que l’acide désoxyribonucléique, support d’une information héréditaire situé dans le noyau des cellules, contient le secret de la vie en général et d’un individu donné – et la curiosité de nos con­temporains pour leurs origines, dans le sillage de nombreux mouvements culturels et politiques. Ne dit-on pas « c’est dans l’ADN de… » pour signifier qu’une propriété est essentielle à telle personne ou à telle entreprise, un peu comme jadis on disait : « c’est dans mon sang » ?

Il y a deux types de tests : ceux qui vous informent sur les groupes humains dont vous descendez et ceux qui prétendent vous dire quelque chose sur votre santé, vos capacités, votre espérance de vie, etc. Les seconds sont en réalité assez fantaisistes, parce que si les gènes portent en effet une information, les inter­médiaires entre cet ADN et son expression sous la forme d’une protéine sont très nombreux, si bien qu’une même séquence peut, selon les contextes, donner lieu à des cen­taines d’expressions (dites phénotypiques) possibles au niveau de l’organisme. Les premiers tests sont plus fiables, car ils s’intéressent aux séquences d’ADN et non à ce qu’elles codent supposément.

En outre, le prix d’un séquençage complet du génome – la lecture de ces longues séquences de A, T, G et C réparties sur nos 22 + 1 chromosomes (le dernier est dit sexuel, c’est la paire XX ou XY qui fait de nous un homme ou une femme génétiquement parlant) – a spectaculairement baissé en vingt ans. À l’époque du déchiffrage du génome humain en 2003, il fallait des millions d’euros pour « séquencer » le génome. Aujourd’hui, un test coûte 100 euros – ce qui inclut l’envoi d’un kit depuis les États-Unis.

 

Comme dans une série policière

23andMe a déjà séduit des millions de personnes non seulement aux États-Unis mais ailleurs dans le monde, et ses données, constituées à partir des tests de ses clients, ont été mises en commun avec celles des National Institutes of Health américains, en charge de la recherche médicale et biomédicale. De fait, la couverture génétique des États-Unis est aujourd’hui telle que si vous y avez un parent, il suffit d’un de vos cheveux pour qu’on le retrouve via ces bases de données grâce à une loi fondamentale : la similitude génétique correspond au degré de parenté. Les séries policières nous ont habitués à voir un assassin identifié pour avoir laissé un poil sur le lieu du crime. Puisque toutes nos cellules proviennent de la division de l’ovule fécondé, toutes ont en effet le même ADN. Il suffit donc d’un bout d’ongle ou d’une dent pour séquencer l’ADN de quelqu’un.

Moins gourmand, 23andMe ne demande qu’un échantillon de salive. J’achète donc mon kit sur le site. Au bout de trois semaines, je reçois un tube à essai dans lequel je dépose un peu de salive et l’envoie à La Haye, aux Pays-Bas, pour qu’il soit traité. Cependant, je me suis d’abord enregistré sur le site. Les données que je viens de confier étant sensibles, je donnerai plusieurs fois ou pas mon consentement au traitement et à l’usage de mon ADN. J’ai dû aussi répondre à une cinquantaine de questions, médicales bien sûr (suis-je diabétique ? Ai-je eu des problèmes médicaux graves ? Mes parents souffrent-ils de maladies cardiovasculaires ?) mais également plus inattendues (Est-ce que j’aime le hip-hop, le métal ou le pop rock ? Est-ce que je préfère le melon jaune au melon blanc ?).

En discutant autour de moi, je m’aperçois que ma démarche n’est pas isolée. Plusieurs de mes proches, poussés par le désir d’en savoir davantage sur leurs ancêtres ou motivés par la seule curiosité, ont fait ce test ou envisagent de le faire. Cet engouement pour la généalogie génétique s’accompagne aujourd’hui d’un partenariat malin que 23andMe a noué avec Airbnb : une fois que le test a révélé mes aïeux inuits ou iroquois, je suis renvoyé vers la plate-forme de location de logements qui me propose des hébergements dans les régions de mes ancêtres.

 

ADN et tests d’ancestralité : comment ça marche ?
Toutes nos cellules comportent un noyau dans lequel est stockée la molécule d’acide désoxyribonucléique (ADN) sous forme de 23 chromosomes, qui sont des filaments d’ADN prodigieusement repliés, le filament ayant lui-même la forme fameuse d’une double hélice. Cet ADN est construit autour d’une double série de molécules dites nucléotides – adénine, thymine, guanine, cytosine – souvent représentées par des séries de lettres ATGCTGA, etc. Chaque brin de la double hélice est répété en miroir de l’autre coté (un A a pour reflet un T, un G a pour reflet un C). Ce qu’on nomme le « code génétique » est une correspondance quasi universelle exacte entre triplets de nucléotides sur l’ADN et acides aminés, les molécules constitutives des protéines (elles-mêmes constitutives des organismes) : ainsi une séquence d’ADN semble une instruction pour faire une protéine.

Seul un faible pourcentage de notre génome – soit le stock de notre ADN – est dit « codant », c’est-à-dire requis pour construire effectivement des protéines. La plus grande partie n’est pas codante. Néanmoins, tout l’ADN est à moitié transmis d’un parent à l’enfant à chaque génération. Les gènes sont constitués de séquences ADN, et, quand on parle d’information génétique, on dit alors deux choses. D’une part, l’ADN nous informerait sur ce que sera l’organisme qui le porte, car il contient des sortes d’instructions pour développer tels organes, tels traits ; cet aspect est discutable, car la trajectoire qui va d’une séquence génétique donnée à un trait particulier est très complexe et multiple, et dépend de l’environnement, ce qui explique que 30 000 gènes codants suffisent pour que se développe un humain – soit quasiment autant que nécessitent un ver ou un maïs, pourtant apparemment bien moins complexes que nous. D’autre part, notre génome nous informe sur notre filiation, car il est composé de 50 % des gènes de notre père et de 50 % des gènes de notre mère, donc de quarts des génomes de nos grands-parents, etc., jusqu’aux premiers humains ; ces pourcentages concernent le génome entier, même les séquences qui ne se sont pas exprimées en nous. 

Le principe du test d’ancestralité est simple : après avoir séquencé mon ADN, on compare chaque chromosome zone par zone avec des séquences ADN existantes dont on sait qu’elles se trouvent davantage dans telle ou telle population géographiquement déterminée que dans la moyenne. Bien entendu, ces comparaisons dépendent de l’existence des bases de données. Les algorithmes de tests comparent donc automatiquement une séquence ADN donnée à des bases publiques consultables sur Internet et aux données collectées par 23andMe. Des disparités dans la couverture des populations humaines – en particulier, le fait que les Occidentaux sont surreprésentés – impliqueront des biais de sensibilité dans le test.

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Article issu du magazine n°134 octobre 2019 Lire en ligne
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