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Joan Mitchell, “La Grande Vallée XIV (For a Little While)”, 1983. Huile sur toile, 280 × 600 cm. Musée national d’art moderne, Centre Pompidou, Paris. © The Estate of Joan Mitchell

Mitchell ma belle

Cédric Enjalbert publié le 02 décembre 2022 3 min

Comment s’opère la distinction entre sentir et penser ? C’est avec cette question en tête que Cédric Enjalbert s’est rendu à la Fondation Louis-Vuitton pour voir l’exposition Claude Monet-Joan Mitchell. Il raconte comment le génie des artistes parvient à nous faire échapper à l’empire des préjugés.


« J’ai révisé mon jugement. Il faisait froid et déjà nuit, et sortir m’a coûté. Mais je n’ai pas été déçu du voyage !

Mon modeste périple m’a conduit jusqu’au bois du Boulogne, à la Fondation Louis-Vuitton où une exposition met en regard deux peintres : Claude Monet et Joan Mitchell. L’impressionniste et ses nymphéas n’étaient a priori pas ma tasse de thé, mais la confrontation avec l’œuvre de l’artiste américaine m’a ouvert les yeux. Confrontation vaut mieux que dialogue, car Joan Mitchell n’appréciait guère la comparaison avec le maître français, même si elle a élue domicile à la fin de sa vie à Vétheuil, tout près de Giverny, dans une propriété surplombant la maison où vécut Monet. Si ses influences reconnues vont plutôt vers Van Gogh – elle réalise d’ailleurs une série de Tournesols –, Cézanne ou Matisse, cette remarquable exposition (à voir jusqu’au 27 février) dresse un parallèle éclairant entre les deux artistes, autour d’un trait commun : l’expression de la sensation.

Le “feeling” guide le geste de Joan Mitchell. Figure de proue de l’expressionnisme abstrait, au sein de l’École de New York, elle insiste sur le rôle prépondérant de la perception et des sentiments. Ce sont eux qui guident la réalisation de ses paysages abstraits, comme dans Minnesota en 1980, un immense quadriptyque gagné par l’intense luminosité du jaune et du blanc, ou La Grande Vallée, une série de seize tableaux débutée en 1983, évoquant un lieu d’enfance et un refuge imaginaire. Dix d’entre eux, réunis grâce à des prêts exceptionnels, sont d’ailleurs exposés à l’issue du parcours, dessinant un horizon mental bien que sensible.

“Je peins d’après des paysages remémorés que j’emporte avec moi et le souvenir des sentiments qu’ils m’ont inspirés”, affirmait en 1986 Joan Mitchell lors d’un entretien avec le philosophe Yves Michaud. Dans leur échange, elle témoigne de sa perception synesthésique : “Si tu dis ’sky’, ça signifie ciel. Moi je vois d’abord S-K-Y. S est plutôt blanc, K est rouge, Y est ocre jaune. Le ciel pour moi est le mélange de ces couleurs.” Comme le souligne le philosophe spécialiste de Hume et d’esthétique, la peintre américaine a un “don visuel” que n’ont pas les gens qui parlent : elle voit, comme on peut dire des voyants chez Rimbaud, plus qu’elle ne pense. “Voir, pour beaucoup de gens, n’est pas une chose naturelle, explique-t-elle. Ils ne voient que des clichés appris. Ils restent pris dans le langage.”

Voilà l’enseignement de ces deux maîtres mis en regard : il existe une distinction absolue, sur laquelle le philosophe empiriste David Hume insistait d’ailleurs, entre les impressions et les idées, entre le vécu des sensations et les idées qu’il produit. Entre sentir et penser. Or tout le génie des artistes tient peut-être à cette capacité de court-circuiter le langage et les idées sans rien perdre de leur éloquence, au contraire. Hume lui-même loue la pérennité des œuvres artistique comparée à celles de l’esprit : “Aristote et Platon, Épicure et Descartes peuvent céder leur prédominance successivement les uns aux autres ; mais Terence et Virgile gardent un empire universel et sans conteste sur l’esprit des hommes.” Néanmoins, pour les apprécier, et bien que “les principes du goût soient universels”, encore faut-il faut savoir échapper à “l’empire du préjugé” pour “se placer à ce point de vue précis que l’œuvre demande.” Cela s’acquiert à force d’expérience, en comparant entre les beautés… C’est ainsi, en voyant Mitchell, que j’ai revu Monet ! »

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