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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Martha Nussbaum © Jerry Bauer/Wikimedia Commons.

Martha Nussbaum. « Réprimer nos émotions ne sert à rien »

Martha Nussbaum, propos recueillis par Normand Baillargeon publié le 28 septembre 2011 13 min

Penseurs antiques, questions de genre, religion, défense des humanités, justice sociale, il y a peu de domaines qui échappent à l’attention de Martha Nussbaum. Cette figure de l’Université américaine réhabilite aujourd’hui le rôle des émotions, longtemps délaissées par la philosophie contemporaine, en renouvelant la pensée stoïcienne.

L’université de Chicago, où enseigne Martha Nussbaum et où elle nous a reçus pour cet entretien, est connue pour avoir été, à compter des années 1960, le haut lieu de l’élaboration des doctrines économiques néolibérales. Mais elle est aussi, paradoxalement, grâce à Martha Nussbaum et aux importants travaux qu’elle a réalisés avec Amartya Sen, l’endroit où s’est construit et déployé l’un des contre-discours les plus articulés à ce néolibéralisme. C’est là que s’est forgé un concept capital de cette contre-offensive : celui de « capabilité ». Et c’est entre ses murs que Barack Obama a enseigné le droit constitutionnel de 1992 à 2004.

 

Le champ d’études de Martha Nussbaum couvre un territoire très vaste : elle aborde notamment le droit, la religion et les humanités, ou encore le féminisme et les questions de genre. Cette œuvre savante se double en outre d’une volonté de prendre part aux débats contemporains, dont témoignent ses nombreuses interventions dans la sphère publique.

En France, on n’a pas encore pris la pleine mesure de l’importance de ses travaux, qui sont encore peu traduits. Car Martha Nussbaum a apporté une petite révolution dans le champ de la philosophie morale et politique, en réhabilitant le rôle que jouent les émotions. C’est pourquoi la parution ce mois-ci des Émotions démocratiques. Comment former le citoyen du XXIe siècle ? (« Climats », Flammarion) est l’occasion idéale de découvrir cette philosophe prolifique, aussi à l’aise pour analyser Platon dans le texte que pour s’engager dans la défense des minorités et des plus démunis.

 

Martha Nussbaum en six dates

  • 1947 Naissance à New York, aux États-Unis 
  • 1969 Mariage avec Alan Nussbaum (divorce en 1987) et conversion au judaïsme 
  • 1975 Obtention d’un doctorat en philosophie à Harvard 1986 Début de sa collaboration avec l’économiste Armatya Sen 
  • 1995 Professeur de droit et d’éthique à la faculté de droit de l’université de Chicago 
  • 2011 Publication en français des Émotions démocratiques (« Climats », Flammarion)

Vous avez étudié la philologie ancienne et la philosophie. Est-ce plus difficile d’être reconnue par ses pairs dans ces disciplines pour une femme ?

Martha Nussbaum : Quand j’étudiais à Harvard, on ne pensait tout simplement pas à toutes les questions relatives au travail domestique ou aux soins à donner aux enfants – ce qui faisait qu’on pouvait, par exemple, convoquer un séminaire le soir. Quant à la question du harcèlement sexuel, elle était occultée. L’immense majorité des professeurs n’en étaient pas coupables et en étaient horrifiés ; mais mon directeur de thèse était un harceleur sexuel. Quand une plainte a été déposée contre lui, on a constaté que l’Université ne disposait d’aucun mécanisme pour traiter ce genre de cas. Plus tard, un autre harceleur, plus sinistre, a finalement été congédié pour ses agissements. Celui-ci occupait des fonctions administratives importantes et a joué un grand rôle dans la cabale par laquelle on m’a refusé un poste permanent. Le harcèlement sexuel n’a certes pas disparu, mais des progrès immenses ont été accomplis, et chaque université a désormais mis en place des procédures de sanction. Cependant, en ce qui concerne les soins à donner aux enfants, ce problème n’a pas été résolu par notre société, et c’est à ce niveau qu’il doit l’être, sur trois fronts simultanément : les employeurs doivent se montrer plus compréhensifs, le gouvernement doit rendre plus accessibles les congés parentaux et les attitudes des hommes doivent changer. Ils doivent accepter d’en faire davantage.

 

Vous vous êtes convertie au judaïsme lorsque vous vous êtes mariée et, en 2008, vous avez fait votre bat mitzvah. Quelle place la religion occupe-t-elle dans votre vie et dans votre travail philosophique ?

Ma conversion a en partie été motivée par l’insatisfaction croissante que je ressentais vis-à-vis du christianisme. Ce dernier est orienté vers un problématique autre monde, dans lequel la justice sera enfin établie et au nom duquel on nous enjoint de ne pas trop nous préoccuper de justice ici-bas. Le judaïsme est une religion de ce monde-ci et, aux États-Unis, il a fortement été associé à de nombreux mouvements luttant pour la justice sociale, comme le mouvement en faveur des droits civiques. La frange du judaïsme à laquelle j’appartiens, réformiste, est au fond une religion rationnelle, kantienne, dans laquelle le théisme est optionnel et la moralité, centrale : il s’agit donc d’une structure de renforcement de ma volonté d’obéir à la loi morale. Il est en outre agréable d’appartenir à une communauté de gens qui œuvrent pour la justice sociale. Enfin, la musique est une dimension importante de ce qui me relie au judaïsme : je chante dans la chorale mais aussi en soliste. À l’occasion, je prononce aussi le sermon, qui peut fort bien être très politique et aborder des sujets controversés que le rabbi n’aborderait pas, comme la situation dans la bande de Gaza.

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Article issu du magazine n°53 septembre 2011 Lire en ligne
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