Margarethe von Trotta. « Je voulais que le public arrive à la même conclusion qu’Arendt »
Son film «Hannah Arendt» a déjà connu un succès inattendu en Allemagne. À l’occasion de la sortie en France de ce long métrage centré sur le regard de la philosophe pendant le procès Eichmann, la réalisatrice Margarethe von Trotta explique pourquoi elle s’est passionnée pour la théoricienne de la « banalité du mal ».
Comment fait-on un film sur l’une des plus grandes intellectuelles du XXe siècle ?
Margarethe von Trotta : C’est une entreprise de longue haleine. J’ai commencé à travailler sur le scénario en 2002, avec ma coauteure Pam Katz. J’ai beaucoup lu, de Hannah Arendt et sur Hannah Arendt, j’ai contacté des témoins, des parents, des amis, notamment l’une des plus proches, Lotte Köhler, qui est décédée depuis, et dont le personnage est incarné dans le film par Julia Jentsch, ainsi que la première biographe d’Arendt, Elisabeth Young-Bruehl. Barbara Sukowa, qui joue le rôle-titre, a travaillé plusieurs mois avec un professeur de philosophie de l’université de Columbia afin de s’immerger dans l’œuvre d’Arendt.
Votre film n’est pas un biopic « habituel » : vous vous concentrez sur les années 1960-1964, c’est-à-dire sur l’époque où Arendt va assister au procès Eichmann comme correspondante du New Yorker et déclencher par son compte rendu une controverse internationale.
Initialement, nous voulions porter sa vie entière à l’écran. Du moins, à partir du moment où elle commence à étudier avec Heidegger. Puis la première émigration à Paris, son internement comme « ressortissante d’un pays ennemi » au camp de Gurs, dans le sud de la France, l’évasion, l’arrivée à New York, etc. Mais j’ai eu le sentiment qu’on avait déjà trop vu ce genre d’images ; surtout, on n’aurait pas eu le temps d’approfondir la réflexion de Hannah s’il avait fallu courir d’un épisode à l’autre.
En quoi l’épisode Eichmann est-il emblématique pour illustrer sa pensée ?
Dans son livre sur le totalitarisme [Les Origines du totalitarisme], paru dans les années 1950, elle avait engagé une réflexion fondamentale sur le national-socialisme, sur un plan relativement abstrait. Avec Eichmann, il y avait là une personne vivante sur laquelle elle pouvait démontrer sa théorie. À Jérusalem en 1961, pour la première fois depuis les procès de Nuremberg, l’un des principaux responsables de l’Holocauste comparaissait devant un tribunal. On comprend effectivement beaucoup de choses quand on voit comment Eichmann cherche à se défendre contre ses accusateurs.
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