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Hans Jonas (1903-1993), historien et philosophe allemand. © Isolde Ohlbaum/Laif/REA

Bioéthique

Manipulation génétique : quelles implications éthiques ?

Octave Larmagnac-Matheron publié le 30 juin 2021 4 min

Science et technique nous permettent désormais d’intervenir au cœur du vivant, en modifiant son patrimoine génétique. Quels sont les risques de cette révolution biologique ? Et quelles en sont les conséquences morales ? Hans Jonas se posait déjà la question dans les années 1970. 

 

La question de la « manipulation génétique » est, du point de vue de Hans Jonas, le problème essentiel de la bioéthique. Que cette manipulation s’inscrive dans un processus de recherche ou qu’elle vise, pratiquement, à « changer ou [à] améliorer la substance génétique de l’homme » : les deux sont, de son point de vue, inséparables, de même que l’intervention sur l’embryon ou sur un organisme déjà constitué. « Savoir si nous sommes qualifiés pour ce rôle démiurgique, c’est la question la plus grave qui puisse se poser à l’homme qui se découvre en possession d’un tel pouvoir destinal. » 

Avant de porter un jugement moral sur cette question, il est urgent de comprendre  la « rupture d’importance métaphysique » que représente « l’ingénierie biologique » – le passage d’un modèle où« le matériau sans vie » est « l’objet de la maîtrise technologique » dont l’homme est le « sujet » à un autre où « l’homme est le sujet et l’objet de l’art ingénierique ». Au moins potentiellement. Pour comprendre ce qui se joue dans cette révolution, Jonas découpe, dans le texte, inédit en français, « L’ingénierie biologique – un aperçu » (1973), le problème en huit points de mutations de la pensée, qui sont autant d’avertissements.

  1. Fabrication. « L’ingénierie biologique propose de travailler sous la forme d’une modification de structures prédonnées, dont la réalité et le type sont des donnés primaires, et qui ne sont ni inventé ni produit », écrit Jonas. Au contraire de la fabrication classique qui reconfigure entièrement la matière, l’ingénierie génétique est donc une « fabrication partielle », et son résultat « n’est pas complètement un artefact ». 
  2. Ingénierie. « Avec les organismes, le modificateur n’est qu’un co-agent par rapport au matériau auto-animé », qui possède sa « propre activité » et participe activement à « l’effet modificateur ». La logique est donc différente de ce qui se passe avec un « matériau passif ». 
  3. Prédictibilité. Dans l’ingénierie classique, il est possible de « prédire précisément les propriétés du produit ». Au contraire, avec « la dynamique auto-entretenue », et chaque fois singulière, du vivant, « le nombre d’inconnues devient énorme ». Et le résultat est d’autant plus imprévisible. 
  4. Expérimentation. La recherche classique se fonde sur l’expérimentation : il est possible de « tester et retester, avant l’établissement d’un modèle approuvé » de production. L’expérience est « non engageante » de ce point de vue : seul compte le résultat final. Les produits-tests n’ont aucune consistance, pas plus que la matière d’origine. « Aucune substitution [de ce type] n’est possible avec le vivant » : l’expérience « opère sur l’original lui-même, sur la vraie chose ». Par conséquent, « la séparation entre la simple expérimentation et l’action définitive » s’évanouit. L’expérience ne peut plus être « innocente », neutre. C’est particulièrement vrai dans le cas d’un organisme déjà constitué, mais la question se pose déjà pour l’embryon.
  5. Réversibilité. « Tout est réversible dans la construction mécanique. » On peut toujours détruire, sans aucune implication morale, un produit inerte, et l’ingénieur peut toujours « corriger ses erreurs ». Tel n’est pas le cas dans l’ingénierie biologique : on peut sûrement continuer d’intervenir sur un embryon, mais il est difficile de juger de ses pathologies avant qu’il devienne un organisme à part entière. Quant au vivant pleinement formé, on ne peut le « rappeler sans cesse » en laboratoire : cela reviendrait à le priver de sa vie. En ce sens, « quand nous observons le résultat, il est déjà trop tard. […] Les actions sont irréversibles […] Ce qui est fait est fait ». 
  6. Génération. « Il n’y a aucune analogie entre les machines d’une part, et la génération et l’hérédité d’autre part », écrit Jonas. Lorsque le produit fabriqué disparaît, rien de lui ne subsiste que sa matière. Au contraire, avec le vivant, les effets modificatoires risquent de se prolonger en raison de « l’auto-propagation à travers les génération ». La responsabilité de l’ingénieur n’est donc plus « directe », mais « indirecte ». 
  7. Pouvoir. L’ingénierie génétique met, entre les mains de l’humanité, un tout nouveau pouvoir, « technologique et scientifique », sur la nature. Mais ce pouvoir peut aussi se muer en « pouvoir de sujétion de l’homme sur l’homme ». Il s’agit, en particulier si l’on envisage la naissance d’embryons humains modifiés, d’un « pouvoir des vivants sur la postérité, des hommes du présent sur les hommes du futur », qui deviennent jouets de « décisions antérieures » auxquelles ils n’ont pas pris part. « Quel droit avons nous de prédéterminer les hommes du futur ? » : il est urgent d’anticiper cette question. 
  8. Fins. « Les fins de la technologie conventionnelle, si questionnables soient-elles [...] se définissent en termes d’utilité » : nous les élaborons « pour l’usage de l’homme ». Mais « quelles sont les fins » de technologie dans lesquelles « l’homme se façonne lui-même » ? Pas de « créer l’homme », évidemment. De « créer des hommes meilleurs » ? Mais « selon quels critères » ? Questions sans réponse, pour l’heure. 
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