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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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(cc) Flickr / Rémi Noyon

1. D’avoir trahi

Jean-Claude Michéa: “Les gouvernements rendent plus de comptes à leurs créanciers qu’à leurs propres citoyens”

Jean-Claude Michéa, propos recueillis par Alexandre Lacroix publié le 17 janvier 2017 18 min

Pour Jean-Claude Michéa, la gauche s’est fourvoyée en “lâchant” les classes populaires. Alors qu’il publie “Notre ennemi, le capital”, ce penseur très secret s’est prêté au jeu d’un échange épistolaire.

Jean-Claude Michéa est d’une intransigeance rare vis-à-vis des « intellectuels postmodernes de gauche », qu’il propose de combattre… au nom d’une pensée de gauche. Au début, on n’est pas sûr de comprendre. Néanmoins, de livre en livre, une cohérence s’affirme. Le philo­sophe appelle la gauche à rompre avec l’idéal du Progrès, à renouer avec les délaissés de toutes les modernisations successives, donc avec les classes populaires. Il est allé chercher chez George Orwell le concept de « décence ordinaire » et chez le sociologue américain Christopher Lasch celui de « trahison des élites ». Il n’a pas son pareil pour décortiquer l’histoire du socialisme français, pour saisir quels rapports ambigus ce dernier a entretenus avec la classe ouvrière. Parmi ses essais marquants, signalons, dans la collection « Climats » de Flammarion, Impasse Adam Smith (2002) et L’Empire du moindre mal (2007). Notre ennemi, le capital, qui vient de paraître, est un très bon cru, avec des développements inédits sur Facebook, la révolution numérique ou encore Podemos.

 

Les dessous de la conversation

Pas facile de réaliser un entretien avec Jean-Claude Michéa ! Il décline la plupart des sollicitations des journalistes. Lorsque nous lui avons proposé d’aller le voir dans la maison où il a emménagé, dans le sud-ouest de la France – « à six kilomètres de la première boulangerie » –, il s’est récrié : « Pour vivre heureux, vivons cachés ! » Un principe qu’il applique à la lettre, ayant quitté Montpellier, où il était professeur de philosophie au lycée, pour prendre sa retraite dans une « ferme immense et isolée », où il n’a plus affaire qu’aux « sangliers, chevreuils, taupes » et autres « frelons asiatiques ».

Nous avons finalement convenu de réaliser cet entretien sous la forme d’un échange quotidien d’e-mails. Dès qu’il a reçu la première question, Jean-Claude Michéa s’est pourtant insurgé : « Ne comptez pas sur moi pour avoir des réponses toutes les vingt-quatre heures ! » Ayant choisi une vie qui comporte « au minimum cinq ou six heures par jour d’activités manuelles », il avoue ne plus passer que « quelques minutes » devant son ordinateur. Finalement, entre deux remarques sur -l’isolation de la toiture et l’habitat des chauves-souris, une conversation s’est nouée. Le résultat n’est pas vraiment une interview classique, mais un document – dont la version intégrale est à retrouver sur Philomag.com

 

Message n°1 : Dans votre dernier ouvrage, vous citez un article peu connu de Rosa Luxemburg, sur « La crise socialiste en France ». L’article date de 1900, comme quoi le thème n’est pas neuf ! Elle y écrit : « L’entrée des socialistes dans un gouvernement bourgeois n’est donc pas, comme on le croit, une conquête partielle de l’Etat par les socialistes, mais une conquête partielle du parti socialiste par l’Etat bourgeois. » Comment cela se fait-il ? Pourquoi ceux qui sont entrés au parti socialiste avec une vocation sincère semblent-ils se métamorphoser, trahir leurs idéaux, dès qu’ils pratiquent l’exercice du pouvoir ? Pourquoi (comme vous le dites ailleurs à propos de Benoît Hamon et de Cécile Duflot), les politiciens de gauche, une fois admis dans le « château libéral », deviennent-ils méconnaissables, de telle façon que les agneaux deviennent des loups ? 

 

Réponse n°1 : Une première raison de ces « trahisons » désormais récurrentes - et donc du discrédit croissant des partis de gauche - tient aux particularités mêmes du capitalisme dit « néolibéral ». Dès lors en effet - je reprends ici la distinction de Wolfgang Streeck - que l’« Etat fiscal » (celui qui reposait d’abord sur l’impôt) a dû progressivement céder la place à l’« Etat débiteur » (celui qui repose de plus en plus sur l’emprunt auprès des marchés financiers) un gouvernement dit « représentatif » aura forcément beaucoup plus de comptes à rendre à ses créanciers internationaux et à leurs « agences de notation » qu’à ses propres citoyens (les institutions européennes étant de toute façon là pour veiller au grain). Si, par conséquent, rien n’est fait pour neutraliser rapidement ce pouvoir à présent sans limite de la finance mondiale (pouvoir qui n’est, du reste, que la conséquence logique des différentes politiques de dérégulation mises en œuvre depuis les années 1980), il est certain que tout gouvernement nouvellement élu, fût-il de « gauche », ne pourra que « trahir ses idéaux » ou, plus exactement, ses promesses électorales (peu importe, de ce point de vue, que ces promesses aient été « sincères », comme dans le cas de Syriza, ou foncièrement cyniques, comme dans celui de François Hollande et de ses amis). Pour autant, il est clair que « notre mal vient de plus loin » (selon la formule d’Alain Badiou) et que cette triste métamorphose de partis autrefois socialistes en partis libéraux a aussi des racines sociologiques plus anciennes. C’est ce que soulignait déjà Paul Lafargue, en 1899, lorsqu’il liait l’affadissement constant de la critique socialiste originelle - celle de Marx et de Proudhon - à l’apparition massive de ces « nouvelles recrues qui arrivaient des universités et des milieux bourgeois » (ce qu’on appellerait plus tard les nouvelles classes moyennes des grandes métropoles). Recrues d’abord accueillies « comme des frères d’armes » mais qui allaient très vite, comme le déplorait l’auteur du Droit à la paresse, « émettre la prétention de régenter le parti, de réformer sa tactique et de lui imposer de nouvelles théories ». Jusqu’à en venir bientôt à vouloir « remplacer la guerre contre le capital par la guerre contre Dieu » (« le cléricalisme, voilà l’ennemi », telle était en effet, depuis Gambetta, la maxime de l’extrême gauche radicale). C’est bien d’abord cette prise de contrôle progressive de la direction des anciens partis ouvriers européens par les représentants « instruits » de ces nouvelles classes moyennes urbaines (selon le processus déjà décrit en 1914 par Robert Michels) qui explique en grande partie la transformation ultérieure à peu près inévitable de ces organisations ouvrières - dont l’objectif premier était la « lutte contre le capital » (et donc, à ce titre, contre toutes les formes de déshumanisation engendrée par la modernité libérale) en simples partis de gauche - « progressistes » et « républicains » - dont la cible privilégiée, et parfois même unique, est, depuis l’origine, la lutte contre la « Réaction » et les « forces du passé » (« cours plus vite camarade, le vieux monde est derrière toi ! »). S’il ne fallait qu’un exemple pour se convaincre du caractère prémonitoire de cette analyse de Lafargue (qu’on retrouvera d’ailleurs à l’identique chez Orwell), il suffirait d’observer ce qu’est devenue la base militante, associative et électorale des principaux partis de gauche et d’extrême gauche contemporains.

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