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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Une rue de Shanghaï (Chine), le 27 novembre 2022. L’inscription “Je n'ai rien dit” (我不说话, “Wǒ bù shuōhuà”), en guise de protestation pendant un rassemblement contre la politique du gouvernement. © Hector Retamal/AFP

Un classique éclaire le présent

Les manifestations en Chine vues par… Foucault

Clara Degiovanni publié le 30 novembre 2022 4 min

Les manifestations, inédites, contre la politique sanitaire du gouvernement se poursuivent en Chine. Pour tenter d’en comprendre les ressorts, nous avons choisi de publier chaque jour de la semaine le texte – fictif – d’un philosophe tel qu’il aurait pu s’exprimer sur le sujet, en restant fidèle à ce que nous connaissons de sa pensée.

Ce mercredi, Clara Degiovanni imagine ce que Michel Foucault aurait pu écrire.

 

« Non aux confinements, nous voulons la liberté », c’était l’un des slogans scandés dimanche dans les rues de Pékin par la foule des manifestants. Depuis vendredi 25 novembre, la colère populaire chinoise gronde, notamment dans la ville d’Ürümqi, suite à la mort de 10 personnes tuées dans l’incendie de leur immeuble dont les issues de secours étaient cadenassées du fait de la politique sanitaire rigoriste menée par le gouvernement. Cet événement tragique fait écho à l’accident de bus du 18 septembre dans la province du Guizhou, qui a coûté la vie à 17 personnes. Il transportait des passagers qui s’étaient vus obligés de se confiner à plus de 200 kilomètres de chez eux, parce que des cas positifs avaient été signalés dans la district de Yunyan, où ils résidaient.

En Chine, l’exercice du pouvoir devient mortifère. En tentant de contrôler les vies, le gouvernement administre la mort. Nous ne sommes plus dans la « biopolitique », qui vise à contrôler et à protéger la vie des individus, mais plutôt dans ce que mon disciple italien Giorgio Agamben appelle la « thanatopolitique ». Des brèches de dissidences viennent effriter l’édifice branlant de cette politique hygiéniste, obsolète et dangereuse. À Shanghaï, Nankin, Pékin, Changsha, Chengdu ou encore Wuhan, le peuple s’indigne et crie malgré les risques encourus : « Pas de tests Covid, on a faim ! », « Xi Jinping, démissionne ! » ou encore « PCC, retire-toi ! ». Cet essaimage de révoltes transperce les stratifications et les hiérarchies momifiées d’un État remis en question dans ses fondements. Suspendre les lois, faire voler les normes, démasquer les individus : telles sont les revendications d’un peuple qui tente de crier sa liberté.

Une double stratégie bien rodée

Hélas la politique « zéro Covid » est puissante, dans la mesure où elle combine les effets de deux stratégies disciplinaires bien distinctes. Il y a d’abord ce que j’appelle la « discipline blocus ». C’est la politique chinoise dans toute sa puissance dominatrice et autoritaire. Il s’agit par exemple de rompre les communications en multipliant les actes de censure, aussi grotesques soient-ils. Flouter les spectateurs non masqués lors des retransmissions des matchs de la Coupe du monde a été le point culminant de cette stratégie. Plus inquiétant encore, tout semble indiquer que cette méthode consiste à figer le territoire chinois dans un espace anachronique, voire hors du temps. En faisant comme si le reste du monde portait encore le masque, le gouvernement vise désespérément à légitimer ses positions, fermant la fenêtre sur ce qu’il se passe hors de ses frontières. La politique disciplinaire se révèle donc comme une géopolitique de l’enclave et de l’isolement.

Je nomme la deuxième stratégie la « discipline mécanisme ». Cette méthode désigne tous les outils numériques – les applications de traçage encore en vigueur en Chine – permettant d’asseoir les mécanismes de contrôle. Plus rapides, plus légers, plus efficaces : ces coercitions subtiles sont d’autant plus dangereuses qu’elles s’inscrivent dans le quotidien des populations. Cette « discipline mécanisme » est efficace sur le plan « microphysique » de la corporalité. Il s’agit de dresser, d’organiser, de classer et de répartir les corps. Là où le reste du monde vit avec des règles sanitaires minimales, la Chine poursuit donc sans relâche les confinements et les tests PCR obligatoires. Ce gouvernement des corps à l’échelle individuelle nous fait entrer dans le biopolitique dans la mesure où il vise avant tout à contrôler les vivants. Autrement dit, il ne s’agit pas seulement de punir les dissidents au régime en administrant des peines de prison ou de mort, mais de surveiller la vie quotidienne des habitants.

L’association de ces deux stratégies est redoutable. La première vise les Chinois en tant que citoyens, limitant leur champ d’action politique, leur droit de parole et leur possibilité de s’informer. La seconde s’en prend aux habitants en tant qu’individus, circonscrivant leur corps dans des espaces restreints, imposant des tests et des dispositifs disciplinaires stricts. Ainsi, la Chine cherche-t-elle à subjuguer, à maîtriser et à réduire au silence les révoltes et les révolutions possibles ! Tel est le modèle « compact », quasi-infranchissable, désespérément fixe et monolithique de la gouvernementalité chinoise à l’heure actuelle.

Ce modèle rigide pourra-t-il malgré tout se fissurer ? Le cri de liberté va-t-il s’amplifier ou le peuple sera-t-il encore une fois bâillonné ? Pour répondre, il faut avoir en tête que le rêve de liberté populaire est toujours menacé par un rêve inverse : celui du gouvernement, et qui consiste à faire pénétrer le règlement dans tout le territoire et par l’intermédiaire d’une armée de fonctionnaires assurant le fonctionnement capillaire du pouvoir. Derrière cette organisation se lit la hantise de la contagion, mais aussi celle des désertions et des révoltes. Du point de vue du pouvoir, la politique « zéro Covid », c’est avant tout la politique « zéro révolution ». Combien de temps cette équation tiendra-t-elle ?

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