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Le Temple du Ciel à Pékin (Chine) en 2019. © Meyer/Tendance Floue

Reportage

Le peuple chinois, et moi et moi et moi…

Alexis Lavis publié le 19 mars 2022 15 min

Avec la crise sanitaire, la Chine semble s’être isolée du reste du monde. Les médias occidentaux insistent sur la montée du nationalisme dans le pays et blâment la mise en place d’un système de surveillance numérique qui rappellerait 1984. Mais qu’en est-il pour quelqu’un qui vit sur place ? Alexis Lavis, philosophe français qui enseigne à l’université Renmin de Pékin, livre sa perception en immersion de la société et de la politique chinoises actuelles, ce qui lui donne l’occasion d’une réflexion originale sur le sens du « peuple ».

 

Depuis quelques mois trotte dans ma tête, lorsque je déambule entre les larges avenues pékinoises, les ruelles des Hutong ou les interminables couloirs de métro, le tube de Jacques Dutronc : « 700 millions de Chinois, / Et moi et moi et moi… » Il faudrait d’ailleurs remettre les compteurs à jour. Depuis 1966, la population a doublé : non plus 700 millions mais 1,4 milliard ! Toutefois, ce sentiment de séparation qu’exprime la chanson reste présent, vif parfois, en dépit du fait qu’à la différence du chanteur, je ne suis pas dans « mon petit chez-moi avec mon mal de tête, mon point au foie », mais parmi les 22 millions d’âmes qui peuplent Pékin, où j’enseigne la philosophie à l’Université du Peuple. Or malgré cette immersion quasi totale, mon sentiment d’isolement persiste. Pourquoi ?

 

La Chine s’est-elle refermée ?

La crise sanitaire n’a sans doute pas arrangé les choses, puisque, en raison de la limitation des vols et des quarantaines imposées aux voyageurs, le nombre d’étrangers en Chine me semble avoir assez drastiquement diminué. Ainsi ma conscience d’être une exception s’est-elle accrue, par mon regard qui ne rencontre guère plus de visages similaires, par leurs regards qui s’étonnent que je sois encore parmi eux. Est-ce à dire que la Chine se serait refermée ? Certains commentateurs et indicateurs économiques le disent. Une tendance au protectionnisme paraît désormais à l’œuvre en Chine. Soit, mais en temps de crise, quoi de plus « naturel ». D’autant plus quand les pénuries menacent. J’entends autre chose derrière cette inquiétude qui tourne au reproche : la Chine redeviendrait-elle isolationniste, comme elle le fut durant sa phase maoïste ou même, comme on le pense souvent – et à tort –, durant la période impériale ? Sur ce point, absolument rien de ce qu’il m’est donné à vivre en Chine ne semble l’indiquer, au contraire. L’occidentalisation de l’empire du Milieu est inexorable, et nul retour en arrière, en direction de cette Chine immémoriale, n’est plus possible.

Durant quelques cours ou conférences donnés récemment, je me suis amusé à dire tout de go à mes étudiants : « Vous savez bien sûr que la Chine n’existe plus ! », avant, devant leurs yeux médusés, de préciser : « Regardez autour de vous. Cet amphithéâtre, ce micro, cet immense écran derrière moi qui projette un PDF, votre habillement, le bâtiment qui nous accueille, la rue dehors et son cortège incessant de voitures et de scooters de livraison Pizza Hut, toute la ville architecturée de tours en verre… » À cela, il faut adjoindre le rythme métro-boulot-dodo, les modes de production hypercapitalistes, la consommation de masse, le rapport à la nature, au temps, à l’espace… Bref, à la vie en général. Tout cela n’est pas chinois. Aussi, lorsqu’on parle de « renfermement » de la Chine, il faut s’interroger : sur quoi est-elle censée se refermer ? Sur sa propre occidentalité ? Elle n’est pas la Corée du Nord ! Comment son modèle économique fondé sur les échanges internationaux le permettrait-il ?

© Denis Bourges/Tendance Floue
Soirée au Baron, à Shanghai (Chine), en 2018. © Denis Bourges/Tendance Floue

D’ailleurs, la dernière grande réunion du gouvernement central concernant les orientations économiques qui s’est tenue en décembre 2021 n’a fait que confirmer ce modèle, en affirmant l’ambition toujours plus compétitive d’aller de l’avant… Je me souviens, à la lecture du rapport de cette réunion, avoir été frappé par l’esprit étrangement « années 1980 » qui s’en dégageait, en dépit d’une langue lissée à l’extrême par le politiquement correct. « Grandir, se développer, saisir toutes les opportunités, ouvrir de nouveaux marchés, intensifier la révolution scientifique et technologique en vue d’une transformation industrielle pour une croissance axée sur l’innovation, construire un système de marché de haut niveau, approfondir de manière globale la réforme et les percées multiples, élargir l’ouverture et créer de nouvelles opportunités dans la coopération et la concurrence internationale… » Voici jetés pêle-mêle certains éléments de langage surreprésentés dans ce texte présentant de grandes orientations économiques. Nous sommes de plain-pied dans la logique de la croissance à perte de vue, de l’opportunisme, de la high-tech, du marché mondial, de la com­pétition globale, du monde de la « gagne » et du management ! Toujours plus loin, toujours plus haut, « vers l’infini et au-delà »… C’est là, encore à l’œuvre, le logiciel de l’Amérique « winneuse » d’il y a quarante ans.

“Il y a un côté reaganien ou trumpiste très ‘eighties’, avec un goût du bling-bling conquérant jusqu’à l’espace, dans la trajectoire capitaliste de la Chine actuelle”
Alexis Lavis

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