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© Michael Geiger/Unsplash

Technologie

Les flibustiers du numérique s’attaquent à l’hôpital public

Octave Larmagnac-Matheron publié le 22 février 2021 4 min

Les 8 et 15 février, les hôpitaux de Dax et de Villefranche-sur-Saône ont été paralysés par des attaques informatiques. « On a en face de nous des entreprises criminelles qui ont pour volonté de soutirer de l’argent en demandant des rançons aux établissements pour décrypter l’algorithme qui crypte l’ensemble de nos données », a réagi Nasser Amani, directeur des systèmes d’information hôpital de Villefranche-sur-Saône. Particulièrement sous pression à cause de la crise sanitaire, les centres hospitaliers sont des proies fragiles pour pirates : « Il y a eu vingt-sept attaques majeures d’hôpitaux en 2020, il y en a une par semaine depuis 2021 », a précisé Cédric O, secrétaire d’État au Numérique. Emmanuel Macron a, de son côté, annoncé un plan d’1 milliard d’euros pour déjouer les attaques contre les services publics.

De quoi endiguer, peut-être, cette vague de hacking. Mais pas, évidemment, de mettre fin aux innombrables pratiques de piratage informatique qui, du vol de données au chantage en passant par la neutralisation de systèmes informatiques, se développent depuis les débuts d’Internet. Piratage et numérique sont-ils indissociables ? 

Oui, répondrait peut-être le philosophe et juriste allemand Carl Schmitt.

Carl Schmitt, entre terre et mer

La récurrence du vocabulaire de la piraterie fournit un indice sur la nature de l’espace numérique : le monde virtuel est une mer. Et c’est, précisément, la raison pour laquelle il échappe aux Etats. Comme le montre le juriste allemand Carl Schmitt, terre et mer sont des « espaces élémentaires différents. » La puissance politique est fondée sur une « souveraineté territoriale », elle s’exerce dans l’espace délimité par la ligne de la frontière. Or, justement, aucune frontière ne peut être tracée sur la surface fluide, liquide, mouvante de l’océan. Le monde maritimo-digital est « déterritorialisé » : un espace ample, ouvert, et non une ligne bidimensionnelle ; un interstice étranger au pouvoir politique, et non un mur sous surveillance. « La mer reste libre, c’est-à-dire qu’elle n’est pas un domaine d’État », écrit Schmitt dans Terre et Mer (éd. Pierre-Guillaume de Roux, 2017).

Pirates apolitiques, voués à la criminalité pure

Elle est, bien plutôt, le domaine du commerce, des flux économiques qui circulent entre deux points telluriques. Mais elle donne aussi naissance à des « existences maritimes » sans aucune attache terrestre : les « pirates », explique Schmitt dans « Le concept de piraterie » (1937, texte disponible aux Presses universitaires de Rennes). Parce qu’ils sont les « enfants de la mer », les pirates sont radicalement étrangers aux règles politiques – y compris les règles commerciales : « l’irrégularité du pirate est sans référence aucune à une quelconque régularité. » Le pirate est, fondamentalement, « apolitique » : son existence devient « criminalité pure pour avoir perdu toute relation positive avec une quelconque régularité existante ». Vol, pillage, recel, rançons, etc. Les pirates d’aujourd’hui n’ont rien à envier à ceux d’hier. 

Hacker, le corsaire des temps modernes ?

Si les mers leur échappent par nature, les États ne restent pas, pour autant, sans rien faire. Au XVIIe siècle, ils engageaient des « corsaires » – qui, à la différence des pirates, agissent en vertu d’une lettre de marque délivrée par un État, et constituent une « figure juridiquement reconnue du droit des gens ». Plutôt qu’un combat sanglant entre armées, la guerre maritime cherche à « atteindre le commerce et l’économie de l’adversaire » : ils cherchent, à leur manière, à s’approprier l’espace maritime en interceptant les flux qui y circulent. Les États d’aujourd’hui font-ils autre chose lorsqu’ils engagent leur propre cohorte de hackers pour dérober des secrets économiques, politiques ou militaires ? La nature des flux, sans doute, a changé avec Internet : il s’agit d’abord d’informations, non de marchandises. Mais la logique reste la même. 

Cyberactivistes, francs-tireurs et partisans

Dans quelle catégorie faut-il, alors, ranger les cyberactivistes – ceux d’Anonymous, par exemple – qui lancent des attaques informatiques pour favoriser des changements politiques et sociétaux ? Contrairement aux pirates, ils ne sont pas apolitiques. Ils ne travaillent pas, non plus, pour les États, dont ils sont en général les premiers critiques. Les hacktivistes sont plutôt des « partisans », selon la terminologie schmittienne développé dans La Notion de politique. Théorie du partisan (1932 ; trad. fr. Flammarion, 1992). « Le partisan combat en irrégulier », mais il n’est pas étranger à la règle. Ils en appellent plutôt à un nouvel ordre légal. Schmitt niait que le partisan puisse être un « écumeur des mers », en raison du caractère apolitique de l’« existence maritime » : pour faire une révolution, il faut nécessairement revenir sur terre. Peut-être faut-il simplement comprendre que la mer numérique est n’est pas exactement une mer. Les vogueurs virtuels ne sont jamais, totalement, des êtres marins déterritorialisés ; si leur esprit glisse dans l’« excentricité spatiale » d’internet, leurs corps demeurent, invariablement, sur la surface solide de la terre. Ce qui change tout !

Portrait de Ralph Echemendia,“hacker éthique”
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