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Des lucioles, juste après la première averse de mousson, par une nuit sans lune en Inde. © Yashpal Rathore/NaturePL/Plainpicture

Lumière sur le monde d’après

Les arbres bioluminescents sont-ils l’avenir des lampadaires ?

Octave Larmagnac-Matheron publié le 02 décembre 2021 4 min

Si le mot n’est pas très courant, la bioluminescence est un phénomène bien connu. Pensez aux lucioles ! Certains animaux, végétaux, champignons et bactéries sont capables d’émettre de la lumière, qu’il s’agisse de la produire directement ou de l’emmagasiner pendant la journée pour la ré-émettre, la nuit venue, sous la forme d’un rayonnement phosphorescent. Certains veulent, aujourd’hui utiliser ces capacités pour inventer un éclairage public nouveau, plus écologique. La start-up française Glowee développe ainsi actuellement un projet de lampes-aquariums remplies d’algues microscopiques. Du côté du Massachusetts Institute of Technonology (MIT), une équipe de chercheurs travaille à partir d’injections de nanoparticules. L’idée est séduisante sur un plan énergétique mais elle l’est aussi esthétiquement : une magie particulière se dégage des êtres vivants capables de rayonner par eux-mêmes, comme le développe la penseuse espagnole Maria Zambrano. 

 

 

« Il me semble que brille devant moi en ce moment le “dedans” des choses ; que le monde rayonne de sa lumière intérieure, qu’il m’est apparu dans sa gloire. »
Philippe Jaccottet, La Promenade sous les arbres

 

Sous « l’empire du Soleil »

Si l’idée de plante bioluminescente nous fascine, c’est qu’il existe, entre la vie (bios) et la lumière une affinité toute particulière. La philosophe espagnole Maria Zambrano évoque ainsi, dans De l’Aurore (1989), « l’insaisissable vie qui est elle-même lumière, et ne fait qu’un avec elle ». Dans un monde où « visiblement, la lumière vient avant tout du foyer solaire », c’est du Soleil qu’irradient l’essentiel des « rayons de vie » ; c’est vers cette lumière qu’est tendue la poussée d’une vie qui « continue aveuglément à donner des êtres qui demandent à voir ». Le Soleil est comme l’égide de toute vie. Mais sa lumière hégémonique, concentrée en un point déterminé, est aussi le signe d’un univers déchu : « Le soleil isolé, pur et tranquille, […] flotte dans le vide, qui fait office de néant. Les rayons de vie s’y anéantissent. » L’astre suprême illumine, le temps du jour, un paysage de désolation dans ce sens que toute vie y semble prisonnière des profondeurs de la matière, tributaire d’un rayonnement extérieur pour vivre. « L’empire du soleil » est nécessairement aveuglant : la surpuissance de son irradiation répond à la menace de dévoration du néant. 

 

D’autres lumières

Mais d’autres lumières, moins éblouissantes que celle du Soleil, existent dans le monde. Lumières élémentaires de l’éclair ou de la flamme ; lumières anthropiques des ampoules. Il est une lumière qui compte davantage pour Maria Zambrano : la bioluminescence produite par certains êtres rares qui « arrivent à créer leur propre lumière sans s’y bruler et sans brûler, indices d’une appétence de luminosité sans ombre, une luminosité qui occulte le corps dont elle est issue en l’offusquant de sa clarté phosphorescente, sorte d’irruption dans l’univers […] d’étincelles qui s’allument à leur propre lumière ». Cette lumière n’est pas une source extérieure de vie qui ricoche et se réverbère sur les choses, elle est comme le scintillement de la vie elle-même qui se déploie, « rayons venus d’au-delà de l’astre solaire, ou de plus loin encore, d’un lieu impensable parce qu’il n’appartient pas à ce petit cosmos qui nous héberge dans son immensité. Car ce cosmos, quoiqu’il paraisse si fermé, a ses fissures, ses pores ouverts. » Ce rai de clarté qui « brûle par lui-même sans faire allégeance au Soleil », qui « jaillit […] à travers ce corps sans le déchirer », est « lié à la fonction du cœur, à son pouvoir vivifiant ». Cette « lumière dissoute dans une matière qui ne lui a pas résisté » est, pour Maria Zambrano, « la clarté la plus pure et la plus vraie qu’il soit donné de voir ». Non pas une clarté aveuglante comme celle du Soleil qui éclaire sans pouvoir être regardé, mais une clarté douce et « balbutiante » par laquelle la vie se manifeste. 

 

Une clarté originelle et apaisante

Maria Zambrano, empreinte de christianisme, y voit comme l’annonce ou le symbole de l’« être du corps glorieux », corps ressuscité en une matière rédimée, libérée de la corruption. Mais elle y voit aussi la trace d’un rayonnement originel, d’une « clarté primitive […], quand la lumière était cet élément constant dont il ne reste qu’un seul point, ce lieu hyperboréen ». Cette clarté première, dont la bioluminescence est comme le résidu, nous en avons le pressentiment aux heures privilégiées de l’aurore, « quand la lumière seule, non focale, clarté qui trouve en elle-même son soutien, perle marine, perle des cieux et de la terre », inonde la Terre. Le propos de Maria Zambrano est évidemment imprégné de théologie. Cela n’enlève rien, cependant, à la sensibilité de sa description. La lumière de l’aurore est apaisante, et la bioluminescence porte quelque chose de cet apaisement.

 

Aveuglés par l’hubris ?

Serait-ce pour autant une bonne raison d’installer des végétaux phosphorescents en ville ? La réponse ne serait pas immédiate pour Maria Zambrano. Car, en l’occurrence, la bioluminescence des arbres ne serait pas un simple déploiement naturel de manifestation de la vie, elle exigerait une intervention technique de l’être humain. La porte s’ouvre, dès lors, sur l’hubris. L’excès de luminosité pourrait à terme dérégler complètement les arbres utilisés pour l’éclairage public et donc provoquer leur mort prématurée. Mais l’excès n’est pas inévitable : tout l’enjeu, c’est sans doute de parvenir à une modification du vivant qui puisse s’intégrer, durablement, à son propre métabolisme. Alors seulement, nous pourrons nous réjouir de nous promener nuitamment sous la lumière douce de quelques platanes scintillants. 

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