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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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(cc) Sébastien Unrau / Unsplash

Les 12 visages de Mère Nature

Martin Duru publié le 22 octobre 2015 16 min

Comment penser l’environnement – le ciel, la Terre, l’Univers… ? C’est l’un des questionnements majeurs de la philosophie depuis la plus haute Antiquité. Tour d’horizon des principales options qui vous aideront – qui sait ? – à trouver votre place dans le monde.

Le Grand Tout

D’Hésiode (VIIIe siècle av. J.-C.) aux présocratiques

«Un ordre, une raison – logos – est à l’œuvre dans la nature»

Au début était le temps du mythe. Dans sa Théogonie, Hésiode fait de la Terre (Gaïa) l’une des trois entités primordiales au commencement de l’Univers (avec Chaos et Éros). Mère « au large sein », puissance « prodigieuse », Terre enfante entre autres le Ciel et la mer… Cependant, à partir du VIIe siècle avant J.-C., un nouveau discours, ni mythique ni religieux, émerge. Vient le temps de l’enquête rationnelle, menée par les premiers philosophes, les présocratiques, sur la nature (phusis – du grec phuein, « naître », « croître », « pousser »). Elle est alors considérée comme le grand principe, la source de tout ce qui est. Anaximandre (v. 610-v. 547 av. J.-C.) la présente comme « l’origine » ou « l’infini » dont « toutes choses naissent » et en lequel « toutes choses se résolvent » (Fragments). Une nature éternelle qui engendre sans cesse de nouvelles formes – on le voit, la conception demeure « maternelle »… À partir de cette substance initiale, toutes les choses croissent et la nature, conformément à l’étymologie, désigne aussi cette force obscure qui les meut. Les présocratiques proposent des visions variées à ce dynamisme du monde ; ainsi, Héraclite (v. 550-v. 480 av. J.-C.) insiste sur son renouvellement permanent : « tout s’écoule », « on ne peut pas entrer deux fois dans le même fleuve » (Fragments) – la nature, qui « aime à se cacher », se dévoile comme devenir universel. Point d’anarchie toutefois : les métamorphoses sont réglées, suivent strictement l’alternance des contraires (du chaud au froid, de la lumière à l’ombre, etc.) Autrement dit, pour Héraclite comme pour les autres présocratiques, un ordre, une raison (logos) est à l’œuvre dans la nature, ce grand Tout fécond et souverain. Rien n’existe en dehors de lui – la Nature est l’Être. C’est pourquoi les rationnels présocratiques, qui s’expriment dans une prose parfois sibylline pour nous, l’ont également chanté en poètes…

 

Un monde en mouvement

 Aristote (384-322 av. J.-C.)

«Aristote introduit de la finalité dans la nature : celle-ci “ne fait rien en vain ni de superflu”»

À en donner le vertige : voici un philosophe qui a non seulement révolutionné la métaphysique ou la science politique, mais qui a aussi décrit de manière très détaillée les phénomènes météorologiques, les plantes (dans un traité disparu) ou les animaux – dans plusieurs ouvrages où l’on croise aussi bien les poules que les antilopes, les céphalopodes que les scolopendres. La curiosité sans borne d’Aristote, qui se prête à un inventaire systématique des éléments et des êtres naturels, traduit un point de méthode : pour lui, il convient de partir du singulier, du réel dans toute sa diversité. Elle se recherche dans un lieu bien déterminé, et le philosophe effectue un premier redécoupage par rapport aux présocratiques : la nature n’est pas le Tout, mais une région circonscrite de l’Univers, clos et fini selon lui. La nature correspond à la zone « d’en bas », placée sous l’orbite de la Lune ; dans la zone « d’en haut », supralunaire, se trouvent des astres fixes, immuables. En bas, les êtres « par nature » ont un point commun : ils « ont, en eux-mêmes, le principe de leur mouvement » (Métaphysique) – ce sont des auto-mobiles. Attention, le concept de « mouvement » est ici plus large que le nôtre. Il inclut le déplacement et le changement sous toutes ses formes (croissance, altération, corruption…). Autre idée fondamentale : Aristote introduit de la finalité dans la nature : celle-ci « ne fait rien en vain ni de superflu » (Partie des animaux). Les formes de vie, leurs organes mêmes ont une raison d’être et sont adaptés à leur fonction : les poumons servent à respirer, la respiration régule la température corporelle. Sans supposer l’existence d’un quelconque démiurge, Aristote fait de la nature l’enceinte de ce qui se transforme et le programme de réalisation et de développement, de réalisation des êtres qui la peuplent, hommes compris.

 

La norme du bien

Épicure (341-270 av. J.-C.)

«Ce ne sont pas les dieux mais le hasard qui mène la danse. Mais voilà, en morale, le hasard fait loi»

Continuellement ils se meuvent, chutent ou tourbillonnent dans un vide infini. Ce sont des corpuscules invisibles à l’œil nu, de formes très variables et indivisibles : les atomes. Soudain, sans raison apparente, ils changent de trajectoire, bifurquent. Alors ils s’entrechoquent et ces carambolages intempestifs aboutissent à la formation de gigantesques « agrégats » : les mondes. Pour Épicure, il en existe une infinité, dont le nôtre, et la nature est le Tout qui les comprend tous – ils sont logés à la même enseigne puisque, en leur sein, on ne trouve que du vide et des corps composés d’atomes. Le point décisif de la physique épicurienne est cette déviation imprévisible des particules élémentaires ; elle sera formalisée par le principal continuateur du Maître, Lucrèce (v. 98-55 av. J.-C.), qui parle dans son poème De la nature du clinamen, de cet infime « écart dans la course » des atomes qui survient « en un moment tout indéterminé et des lieux aussi tout indéterminés ». Le mot clé est lâché : les épicuriens développent une conception non déterministe de la nature, où ce ne sont pas les dieux mais le hasard qui mène la danse. Mais voilà, en morale, le hasard fait loi. L’étude de la nature permet de l’ériger en norme absolue du bien. S’en écarter, l’oublier, c’est se priver de tout bonheur possible. Épicure exhorte à ne satisfaire que les désirs naturels et nécessaires, qui renvoient à la vie du corps (manger, boire, se vêtir…) comme à celle de l’âme (s’adonner à la philosophie… épicurienne). S’ensuit un état d’absence de troubles, de « plénitude » qui se confond avec le véritable plaisir, « principe » et « fin de la vie bienheureuse » (Lettre à Ménécée). Concrètement, cela donne une vie sans excès, frugale, autosuffisante. Cocktail détonnant que Épicure, lointain ancêtre de la physique quantique (où le concept d’indétermination est central) et du courant de la décroissance…

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Joie d’aimer, joie de vivre
À quoi bon l'amour, quand la bonne santé, la réussite professionnelle, et les plaisirs solitaires suffiraient à nous offrir une vie somme toute pas trop nulle ? Depuis le temps que nous foulons cette Terre, ne devrions nous pas mettre nos tendres inclinations au placard ?
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