“120 battements par minutes”: guerre visible et invisible
En réalisant “120 battements par minutes”, le cinéaste Robin Campillo conjure une amnésie historique collective, rappelant la capacité du cinéma à lever le voile sur les invisibilités.
Rendre les malades visibles aux yeux de tous. Avec ce credo, Act Up Paris naît en 1989, sur le modèle américain, une dizaine d’années après que l’épidémie de Sida a débuté. En réalisant ces 120 battements par minute, Robin Campillo, lauréat du Grand Prix du Festival de Cannes cette année, saisit tout autant l’emballement du cœur amoureux, de l’activiste et du malade que le tempo d’une époque rythmée par la house music. Il projette sur grand écran une « guerre invisible aux yeux des autres », le Sida, qui est aussi une guerre pour la reconnaissance, par laquelle des existences tendent à être « confirmées » par d’autres. Acteurs de la désobéissance civile habitués des coups d’éclat – dont le mémorable recouvrement de l’obélisque de la place de la Concorde par une capote rose, en 1993 –, les activistes d’Act Up croient dans l’« intersectionnalité », selon le mot de la féministe Kimberlé Crenshaw. Ils ne militent pas pour des droits spécifiques mais pour la diversité des personnes malades discriminées : gays et lesbiennes, toxicomanes, travailleurs du sexe, prisonniers… Le cinéaste, lui-même ancien d’Act Up, brosse une histoire d’amour et de lutte, une fiction à la fois intime et politique. Nathan (remarquable Arnaud Valois, au centre sur la photo), fraîchement recruté dans l’association, s’enamoure de Sean (interprété par le bouleversant Nahuel Pérez Biscayart), jeune militant séropositif. Tandis que l’un s’éteint douloureusement, l’autre grandit dans son ombre, renforcé dans son combat, à mesure que la maladie progresse. Robin Campillo ne fait pas que conjurer l’amnésie historique qui guette les nouvelles générations sauvées par des traitements et une prévention de plus en plus efficaces. Il rappelle surtout sa conviction absolument renversante dans la capacité du cinéma lui-même à lever le voile sur l’invisibilité sociale des minorités discriminées et des malades, en l’occurrence. Alors que plus de six mille personnes découvrent leur séropositivité chaque année en France, dont près d’une moitié d’homosexuels et plus de 10 % de jeunes âgés de 15 à 24 ans, son film n’a rien d’un film d’époque. À moins que cette époque ne soit la nôtre.
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