Les 10 grandes questions que soulèvent les attentats islamistes
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Alors que les élèves du primaire et du secondaire reviennent à l’école, les enseignants s’apprêtent à aborder avec eux l’assassinat de leur collègue Samuel Paty, qui a eu lieu le soir des vacances. C’est un moment aussi essentiel que difficile, tant les questions des jeunes sont aussi légitimes que parfois dérangeantes. Et qu’on sait également que certaines idées et valeurs transmises par l’école de la République sont contestées par certains.
C’est pourquoi nous vous proposons de nous pencher sur les principales questions que pose cet attentat, et de renvoyer vers des articles, analyses, interventions publiées dans Philosophie magazine et sur Philomag.com.
Peut-on à la fois défendre la liberté d’expression et la limiter ?
C’est un paradoxe que soulèvent souvent ceux qui trouvent incohérent de défendre la publication de caricatures jugées offensantes par certains zélotes tout en punissant des propos racistes ou injurieux. Des distinctions sont ici indispensables. Le philosophe des sciences Philippe Huneman décortique les arguments entendus dans les classes après l’attentat de Charlie Hebdo. Et le philosophe existentialiste italien Paolo Flores d’Arcais affirme que si la liberté d’expression a des limites, ce n’est pas la susceptibilité des croyants qui doit la fixer.
Le droit au blasphème doit-il se transformer en devoir de blasphème ?
Faut-il montrer systématiquement aux élèves les caricatures de Mahomet au nom du droit de blasphémer ? Ne risque-t-on pas, en changeant les caricatures de contexte et de finalité, de le transformer en pesant devoir ?
Montrer ne suffit pas, selon Frédéric Worms. Mais pour Catherine Kintzler, la question d’un devoir de blasphème ne se pose même pas en République.
La tolérance peut-elle s’enseigner ?
Les sondages montrent que les jeunes sont de plus en plus susceptibles en matière de religion. Peut-être faut-il alors relire des textes de base, comme le Traité sur la tolérance de Voltaire. Et comprendre que les conceptions de la tolérance diffèrent, notamment en France et aux États-Unis, comme le rappelle Claude Habib.
Quelles limites doit-on fixer à la tolérance ?
Comment faire face au fanatisme avec la seule arme de la tolérance ? Ne faut-il pas simplement le combattre ? Par ailleurs, être tolérant à l’intolérance ne nous fait-il pas tomber dans un dangereux relativisme moral ?
Qu’est-ce que la « laïcité à la française » ?
Les témoignages des enseignants de philosophie montrent que cette notion est souvent mal comprise par les élèves. Revenir aux textes fondamentaux, notamment à la lettre de Jules Ferry de 1883 aux instituteurs, est fondamental. On peut essayer de la définir, comme André Comte-Sponville, et comprendre qu’elle n’est pas hostile aux religions.
Un enfant est-il moralement responsable ?
C’est une des questions que pose le comportement de la collégienne de Conflans-Sainte-Honorine qui a entraîné, après de multiples rebonds, à l’assassinat de Samuel Paty. Le psychiatre, spécialiste de la résilience, Boris Cyrulnik, répond à cette terrible interrogation. Elle soulève également la notion de responsabilité.
Sommes-nous responsables selon nos intentions ou selon les conséquences de nos actes ?
La chaîne de circonstances qui a mené à l’assassinat de Samuel Paty pose la question de la responsabilité de chacun des acteurs de cet enchaînement. Et elle réactive la grande fracture de la philosophie morale, qui oppose les « déontologues », qui font reposer le bien et le mal sur l’intention de celui qui le commet, aux « conséquentialistes », qui évaluent une action à ses conséquences. Un débat à retrouver en définissant, dans les pas de la philosophe G. E. M. Anscombe, l’éthique et la déontologie.
Peut-on « faire des citoyens » sans limiter leurs libertés ?
Emmanuel Macron, dans son discours au Panthéon, a cité Ferdinand Buisson, grand théoricien et défenseur de l’école républicaine, et sa formule : « Faire des citoyens ». Mais n’est-il pas paradoxal de vouloir former quelqu’un à la liberté ?
Pour cela, il faut revenir sur les grands modèles de l’éducation humaniste mais aussi bien comprendre les enjeux de l’éducation civique et morale et quel contenu donner à ces cours.
L’auto-censure est-elle une faute morale ?
C’est une des grandes questions qui se posent aux enseignants qui savent qu’aborder la question religieuse en cours peut donner lieu à des protestations et « faire des vagues ».
« Vivre ensemble » et « faire société » tout en ayant des origines très diverses est-il impossible ?
Les attaques terroristes et le climat de méfiance font passer ces idéaux pour des chimères. Elles poussent en tout cas à s’interroger sur notre conception de l’universalisme. Des penseurs comme Achille Mbembe ou Édouard Glissant en proposent des lectures diverses.
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