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Le livre du jour

“L’Écologique de l’histoire”, de Valentin Husson

Octave Larmagnac-Matheron publié le 15 décembre 2020 4 min

Être et avoir, être ou avoir : insoluble dilemme que s’est sans cesse posé la philosophie. Les penseurs ont en général déploré que nous nous souciions trop de l’avoir, de la propriété, de l’intérêt, et que nous délaissions d’autant le souci qui devrait être le nôtre : être vraiment nous-mêmes, sans nous éparpiller. L’avoir est un oubli ; il nous éparpille. Dans son dernier ouvrage préfacé par Jean-Luc Nancy, L’Écologique de l’histoire (Les Presses du Réel, 2020), le philosophe Valentin Husson prend le contrepied de cette hiérarchie. Il souligne que, si l’appropriation s’est muée en une prédation hostile à l’environnement, c’est d’abord en raison de notre incapacité à penser l’avoir, occultée derrière la question de l’être tout au long de l’histoire. Une relecture novatrice de l’histoire de la philosophie, parfois ardue, mais passionnante.

Être

L’histoire de la philosophie est-elle l’histoire de l’oubli de l’être, ce terme que l’on ne peut définir qu’en le présupposant, en disant « l’être, c’est… », comme le pensait Heidegger ? L’avoir a-t-il vraiment pris le pas sur le souci d’être ? Loin de là, affirme Valentin Husson : « Qui oserait affirmer, dans cette époque qui a identifié l’avoir à la possession, et l’appropriation à la cupidité, qu’il faut avoir plutôt qu’être ? » Certes, la cupidité et la possession sont un trait manifeste de nos sociétés consuméristes. Mais, paradoxalement, cette prééminence de l’intérêt personnel et de la prédation économique est la conséquence de notre incapacité à penser l’avoir. Pendant des siècles, « la question de l’avoir et de l’appropriation [a été] largement mésestimée ou dépréciée. »

Pauvreté

Du penseur mystique Maître Eckhart à Heidegger, l’avoir a été placé du côté de l’inessentiel : je ne suis pas ce que j’ai. Or, ce que je suis au fond, dépouillé de tout, c’est un vide, un rien, une « pauvreté » : « Est pauvre, celui qui se tient dans la vérité de l’être. » « Cette ontologisation de la pauvreté, de l’être à découvert, marque essentiellement le discrédit de la vie : l’être est en dette, et cette dette lui laisse miroiter que la seule manière d’être comblé est d’arraisonner le monde, d’en tirer profit. » Raison pour laquelle, bien loin de désamorcer l’avoir, la prééminence de l’être le renforce, et le détourne : la démesure de la prédation économique, qui fonctionne tout entière sur le mode du crédit et de la dette, est à la mesure de la dette et de l’indigence prêtée à la vie. « Le technocapitalisme induit une vie pensée à l’aune de sa pauvreté, de son discrédit, de son endettement ou de son manque à être. »

Avoir

Il ne s’agit pas, pour Husson, de nier que la prédation « technocapitaliste » soit une forme de l’appropriation, et que le thème de l’intérêt et de la propriété ait dominé notre compréhension de l’avoir. Mais il est nécessaire, selon lui, de reconnaître que « l’avoir n’est pas univoque. » C’est précisément cette équivocité qui est restée le point aveugle de notre histoire – alors même que « l’histoire européenne tout entière […], depuis Rome, qui inventa le système juridique, technique, et politique » est une histoire d’appropriation. Il est urgent de questionner cette histoire impensée de l’« ec(h)ologie », du grec ekhein (ἔχειν), « avoir ». En réalité, « l’animal humain est celui qui est défini par ce qu’il a, et non pas par ce qu’il est. » Se pose, alors, dans toute son acuité, l’« énigme qui fait de l’avoir un auxiliaire du verbe être, et un auxiliaire de vie. »

Vie

Ce qui vaut pour l’homme vaut, au fond, pour toute vie : « Depuis toujours, le devoir du vivant fut de s’approprier sa vie afin de la préserver du pire, et de son propre soupir. » Toute vie a « le devoir de supporter son existence », de s’épanouir elle-même, et cet épanouissement passe par le geste fondamental de l’appropriation de son propre milieu, « afin de s’aguerrir, de se fortifier et de lutter contre tout ce qui pourrait […] mortifier » la vie. Voyez l’homme qui dut domestiquer son « environnement hostile » pour pérenniser sa vie. Sans doute cette domestication nous a-t-elle menés au bord de la catastrophe. Mais c’est encore par l’appropriation que nous en réchapperons : « Ma survie en passe par la survie de la vie terrestre. » Il nous faut donc « passer, […] de la propriété arraisonnante au voisinage de la copropriété des vivants. »

Luxe

La réhabilitation de l’avoir est un impératif écologique, parce qu’elle rompt avec le discours de la pauvreté qui pousse la vie à se méconnaître et se mépriser. « La dépréciation de la vie humaine va de pair avec la dépréciation de la vie terrestre en général, ouvrant le chemin à toutes les appropriations prédatrices et dévastatrices de l’environnement. » Il nous faut renouer avec « une philosophie de la richesse, de la luxuriance, de l’abondance et de l’excès » car « la vie est un luxe. […] La vie elle-même est toujours déjà prise dans une dépense anéconomique et donc improductive […] Ce n’est peut-être qu’en retrouvant ce goût de la vie gratuite, que l’on pourra garantir le respect de la vie en général. » Recouvrer la luxuriance de la vie, l’amour de la vie, c’est mettre un coup d’arrêt à la prédation écologique censée pallier l’insuffisance fantasmée du vivant.

 

L’Écologique de l’histoire de Valentin Husson, préfacé par Jean-Luc Nancy, paraît aujourd’hui aux éditions Les Presses du Réel. Il est disponible ici.

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