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L'acteur Tahar Rahim dans la série "Le Serpent". © Netflix

Séries

"Le Serpent" : Pourquoi le mal radical fascine-t-il autant ? 

Michel Eltchaninoff publié le 22 mai 2021 4 min

La nouvelle mini-série Netflix met en scène un tueur de hippies en Thaïlande dans les années 1970. Après avoir invité et hébergé des voyageurs européens, ce dandy franco-vietnamien les drogue, aidé par ses complices, les détrousse puis s’en débarrasse. Un jeune diplomate hollandais se donne pour mission de le faire arrêter. Mais le serpent semble insaisissable.

Interprété par Tahar Rahim, l’antihéros de cette série est glaçant, tout comme l’atmosphère qui se dégage de cette histoire. En mettant en scène un personnage qui assume parfaitement sa propre perversité, la série pose une question : pourquoi tous les protagonistes, mais aussi les spectateurs, semblent entraînés dans le mal radical qu’incarne la figure centrale de la série ? Décryptage avec Emmanuel Kant.

 

• Le mal se pare des atours du bien 

Pour attirer ses victimes, Charles Sobhraj, qui se fait appeler Alain Gauthier, invite des hippies à participer à des fêtes autour de sa piscine, à Bangkok, ou même à loger chez lui. Il leur propose de collaborer à son activité de commerce de pierres précieuses. Avec sa compagne, la belle Marie-Andrée qu’il appelle Monique, et leur homme à tout faire Ajay, ils dégagent une image seventies glamour et festive. Mais Charles drogue ses victimes pour les faire tomber malades, avant de leur proposer un remède — qui les fait sombrer encore plus. Ce qui est censé faire du bien est en réalité la source du mal, physique et moral. De même que les hippies, voulant guérir des maux de la société occidentale, se perdent souvent dans la drogue et la maladie, le médicament se transforme en poison, et l’hôte accueillant en assassin. À tout moment le bien peut se retourner en mal. 

 

• Le mal est radical 

Fils d’une Vietnamienne qui ne l’aime pas et d’un Français, Charles a vécu le racisme dans les années 1950 et 1960 en France. Détestant les baby-boomers, en rupture de ban, mais pouvant à tout moment retourner dans leurs familles en Occident, Sobhraj prétend faire partie des vrais damnés de la terre. Il entend exercer une forme de lutte des classes en tuant de jeunes bourgeois, tout en rêvant de prendre leur argent, leur statut et leur identité. Malgré ces raisons sociales et psychologiques, la manière dont l’anti-héros du film assume le mal qu’il commet, en manipulant tout le monde autour de lui, ressortit plutôt à une notion développée par Emmanuel Kant, celle de « mal radical ». Dans La Religion dans les limites de la simple raison (1793), le philosophe utilise le terme de « penchant », en latin « propensio », pour désigner la possibilité d’un « désir devenu une habitude ». Ce « mauvais cœur » est mystérieux, car on ne sait pas très bien d’où il provient. Mais il dépend d’une liberté : « cette mauvaise perversité du cœur humain (…) renverse l’ordonnance morale des mobiles d’un arbitre libre » et « la mentalité du sujet s’en trouve corrompue à la racine ». Les philosophes ont le plus grand mal à expliquer d’où vient le mal. Certains, comme Spinoza, nient son existence réelle, d’autres le font dépendre des conditions sociales. Mais Kant ose avancer l’hypothèse d’un mal librement choisi – même si ses effets sont la souffrance d’autrui et l’isolement moral. C’est à cet abîme éthique que nous confronte la série. D’ailleurs sa structure narrative, faite d’allers-retours permanents (« 3 mois plus tôt », « 3 mois plus tard »), contredit volontairement les lois classiques du récit, qui nous montrent l’évolution – et souvent la rédemption – d’un personnage. Ici, le Serpent ne progresse pas, ne change pas, et revient poser au monde l’énigme d’un mal librement choisi. 

 

• Le mal est contagieux

Mais le plus troublant, dans cette histoire est le malaise qui s’empare de tous ceux qui côtoient Charles ou s’intéressent à lui. Ce dernier parvient tout d’abord à transformer en complices actifs – qui empoisonnent, volent et assassinent avec lui – une jeune fille un peu perdue et un Indien, Ajay, qui devient son homme à tout faire. Le Serpent promet mariage et famille à l’une, réjouissances et richesses à l’autre. Mais, même ses victimes, qui deviennent ses obligés, sont vaincues par sa tranquille assurance. Ils l’aident et le servent. Les repentis, ceux qui aident à le traquer, maintiennent également une sorte de lien affectif avec lui. Charles est parvenu à les emmener avec lui dans les zones grises de l’illégalité, au nom de la lutte contre l’ordre bourgeois. Quant au jeune diplomate hollandais qui mène une longue croisade contre le meurtrier de touristes, il est détruit par son impuissance. Dans cette série, le bien ne triomphe jamais, et semble lui aussi contaminé par le mal. Le modèle, ici, est épidémique. Dissimulé derrière les apparences du bien, sans raison, contagieux, le mal envahit cette série, et atteint même l’esprit du spectateur, parfois séduit contre son gré par la révolte glamour de ses protagonistes. Mais la quête d’utopie et d’autonomie portée par les hippies du film semble se briser contre la réalité malfaisante du monde. Seuls ceux qui parviennent à rentrer chez eux en réchappent. Avec Le Serpent, la question du mal devient métaphysique. Et d’autant plus angoissante. 

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