Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Washington D.C. (États-Unis), le 10 février 2021. Capture vidéo du Sénat américain, dans le bâtiment du Capitole, pendant la seconde procédure de destitution de Donald Trump. © Senate Television via AP/Sipa

États-Unis

Le second procès de Trump, une justice expressive et reconstructrice

Jean-Marie Pottier publié le 11 février 2021 4 min

Aux États-Unis, l’expression « beating a dead horse » signifie « s’acharner inutilement sur quelque chose ». C’est apparemment, dixunt les trumpistes, à un cheval mort que les démocrates du Congrès américain (et quelques républicains) ont décidé de s’attaquer en poursuivant la procédure d’impeachment contre le 45e président des États-Unis. Ce dernier a quitté la Maison-Blanche le 20 janvier dernier. Il ne sera très probablement pas destitué de manière « posthume » : le scénario le plus probable pour l’instant est celui d’un vote favorable de 55 ou 56 sénateurs (sur les 100 que compte le Sénat américain), là où les deux tiers, soit une dizaine de plus, seraient nécessaires. Mener une procédure de destitution contre un dirigeant qui a déjà quitté le pouvoir est complètement inutile, a argumenté l’un des avocats de Trump, Bruce Castor, lors du premier jour de son procès devant le Sénat, le 9 février : « Le président Trump n’est plus au pouvoir. La Constitution a rempli son office. Il a été révoqué par les électeurs. » Inutile, ce procès ? Ce n’est pas l’avis de certains philosophes du droit, qui en appellent à d’autres fonctions de la justice : sa fonction expressive et, plus encore, reconstructrice.

  • « Le droit criminel remplit des fonctions diverses. Il neutralise le criminel, à travers l’incarcération ; il sert une fonction rétributive, en forçant le criminel à subir une punition proportionnelle au crime ; et il exprime une vision précise des limites de la diversité morale en fixant une limite aux types d’actions qu’une société va accepter », écrivait récemment le professeur de philosophie Michael Blake en filant la comparaison entre une destitution (dans le système américain, l’impeachment, donc) et un procès criminel. Trump ne sera pas « neutralisé », il l’a été par les électeurs  – certes, une condamnation aurait pu, même si la constitutionnalité de cette mesure est discutée, s’accompagner d’une interdiction de se représenter à une élection à l’avenir, mais ce cas ne se produira probablement pas. Il ne subira pas non plus de punition proportionnelle au crime, ne sera pas privé de sa capacité à s’exprimer en public, à l’origine de l’émeute du 6 janvier au Capitole. Reste la troisième fonction, celle de l’expression par la société des limites qu’elle se fixe. Ce que le philosophe politique Joel Feinberg a appelé en 1965 la « fonction expressive de la punition », la manifestation publique d’une réprobation : « Il est possible que le criminel – ou la personne qui subit un impeachment – ne ressente pas vraiment de honte, écrit Blake. La fonction du droit criminel, cependant, est de dire qu’il ou elle devrait la ressentir, et que ceux qui commettent ce genre d’acte se situent en dehors de l’éventail normal des désaccords moraux. »
  • Un récent article sur la destitution comme punition, publié par le juriste Andrew Manuel Crespo avant que cette procédure ne soit une première fois utilisée contre Trump, livre une argumentation proche. Dans une tradition utilitaire, fondée sur un calcul coûts-avantages, la punition peut être bénéfique, elle peut neutraliser le criminel ou en dissuader d’autres de l’imiter. Dans une tradition rétributive, elle vise à infliger un châtiment correspondant au crime. Mais on peut aussi envisager la punition comme une pratique sociale visant à « exprimer et construire des valeurs fondamentales et partagées ».
  • Construire ou, comme dans l’Amérique de l’après-Capitole, re-construire. À l’appui de sa démonstration, Crespo cite un article, publié en 2016, de son collègue Joshua Kleinfeld sur la justice comme « reconstructivisme ». Nourrie notamment du travail de philosophes communautariens comme Michael Walzer et Charles Taylor, cette perspective souligne que la justice criminelle peut avoir pour but d’empêcher des dommages tangibles ou d’infliger une punition méritée après un crime, mais qu’elle est surtout l’institution fondamentale « par laquelle une communauté reconstruit les bases morales de son ordre social, sa vie éthique, dans la foulée d’une attaque contre cette dernière ». 
  • Kleinfeld cite l’exemple de la triche dans une salle de classe : on peut vouloir punir les tricheurs pour les priver d’honneurs acquis de manière imméritée ou pour empêcher d’autres élèves d’être tentés de les imiter, mais la raison première de la punition est d’empêcher la triche de prospérer car elle redéfinit tout l’ordre normatif de l’école – d’un lieu d’éducation, une école où s’épanouirait la triche deviendrait un lieu d’acquisition purement cynique d’un diplôme, où toute notion de méritocratie s’effondrerait, et avec elle toutes les valeurs de l’éducation. Non seulement la justice doit être expressive (une justice qui punirait les criminels en secret, sans publicité, n’a plus de sens) mais dans une perspective reconstructiviste, elle exprime un message bien précis au nom de la communauté : une peine n’est pas seulement « utile » ou « méritée » mais participe d’une croyance partagée en l’ordre social. Ce qui, aux yeux d’une majorité absolue de représentants du peuple américain, justifie apparemment d’envoyer, et pour la seconde fois, l’élève Trump au piquet.
Expresso : les parcours interactifs
En finir avec le mythe romantique
Cendrillon a 20 ans, elle est « la plus jolie des enfants ». Mais pas pour longtemps. Beauvoir déconstruit les mythes romantiques et les contes de fée qui peuplent encore aujourd'hui l'imaginaire collectif.
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Bac philo
2 min
La justice et le droit
Nicolas Tenaillon 01 août 2012

Si, étymologiquement, la justice et le droit sont très proches (jus, juris, qui donne l’adjectif « juridique »), la justice est aussi une catégorie morale et même, chez les anciens, une vertu. Nous pouvons tous être révoltés…


Article
2 min
Donald Trump inspiré par saint Thomas d’Aquin
Martin Legros 26 juin 2019

“Une fermeture permanente de la voie de la diplomatie”, c’est ainsi que l’Iran a réagi par la voix du porte-parole des Affaires étrangères aux…

Donald Trump inspiré par saint Thomas d’Aquin

Article
2 min
Pourquoi Trump est-il inébranlable ?
Judith Schlanger 20 janvier 2020

Le procès en destitution de Donald Trump débute, qui a peu de chances d’aboutir. L’opposition semble encore chercher les moyens de la riposte à la…

Pourquoi Trump est-il inébranlable ?

Article
8 min
Roger Berkowitz (2/2) : “C’est sur le plan politique qu’il faut battre Trump, pas sur le plan légal”
Martin Legros 17 janvier 2024

Donald Trump, qui caracole en tête des sondages dans le camp républicain, a-t-il une chance d’être élu en 2024 ? Oui, selon le philosophe…

Roger Berkowitz (2/2) : “C’est sur le plan politique qu’il faut battre Trump, pas sur le plan légal”

Article
3 min
Donald Trump sera-t-il à nouveau président ?
Batiste Morisson 30 novembre 2022

Peu après les résultats des élections du Congrès, Donald Trump a annoncé le 15 novembre qu’il briguerait un second mandat en 2024. Pour le…

Donald Trump sera-t-il à nouveau président ?

Article
2 min
Donald Trump : la tentation du “César rouge”
Jean-Marie Pottier 09 janvier 2024

Probable candidat républicain à l’élection présidentielle américaine de 2024, Donald Trump a affirmé à la télévision ne vouloir être « …

Donald Trump : la tentation du “César rouge”

Article
3 min
Roger Berkowitz : “Donald Trump fait éclater les limites du politiquement correct”
Martin Legros 19 avril 2016

[Actualisation : Donald Trump a été élu 45e président des États-Unis, mercredi 9 novembre 2016] Alors qu’il accumule les provocations, le…

Roger Berkowitz : “Donald Trump fait éclater les limites du politiquement correct”

Article
8 min
Le trumpisme est-il un néofascisme ?
Michel Eltchaninoff 11 janvier 2021

Depuis l’occupation du Capitole par les partisans de Donald Trump, la question se pose : Donald Trump est-il un héritier du fascisme, le…

Le trumpisme est-il un néofascisme ?

À Lire aussi
Amélie Férey : “L’assassinat de Soleimani pose la question du contrôle démocratique du droit de tuer”
Amélie Férey : “L’assassinat de Soleimani pose la question du contrôle démocratique du droit de tuer”
Par Yseult Rontard
janvier 2020
Kevin Baker : “La fin de Trump pourrait signifier le début de quelque chose d’encore pire”
Kevin Baker : “La fin de Trump pourrait signifier le début de quelque chose d’encore pire”
Par Ariane Nicolas
novembre 2020
Miguel Benasayag: “Le pouvoir central est un lieu d’impuissance”
Dilma Rousseff et les racines de la corruption
Par Cédric Enjalbert
mai 2016
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Le second procès de Trump, une justice expressive et reconstructrice
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse