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Le mot “palyanitsya” fait partie du vocabulaire ukrainien. Il désigne un pain spécial, à base de farine de blé. Montage PM ©iStockphoto - Wikimedia Commons.

Le mot du jour

Le schibboleth “palyanitsya” ou la survie par le langage

Ariane Nicolas publié le 01 mars 2022 3 min

C’est un terme jusque-là inconnu des Français, et sans doute du monde entier en dehors des frontières de l’Ukraine : паляниця, « palyanitsya ». Il a fait son apparition dans plusieurs vidéos documentant la guerre actuellement menée par la Russie : les Ukrainiens l’utilisent pour identifier si un passant au comportement suspect est ami… ou ennemi.

« Palyanitsya » est ce que l’on appelle un schibboleth. C’est un mot qui se prononce d’une manière bien précise dans une zone linguistique déterminée, que seules les personnes maîtrisant parfaitement la langue locale peuvent prononcer sans accroc. Une astuce bien pratique, en temps de guerre, qui n’est d’ailleurs pas propre au conflit en Ukraine. Retour sur une pratique langagière qui sauve des vies, depuis des temps (quasi) immémoriaux.

 

  • Le mot « palyanitsya » fait partie du vocabulaire ukrainien. Il désigne un pain spécial, à base de farine de blé, que l’on rompt entre amis pendant certaines fêtes. En ukrainien, il s’écrit : паляниця. Aux yeux et aux oreilles d’un Français, il a tout l’air d’un mot russe, et pourtant : en russe, il est impossible d’accoler la lettre я (« ya ») aux lettres л et ц (« l » et « ts »), car c’est une voyelle dite « mouillée », qui n’est pas compatible avec toutes les consonnes. Ainsi, même un parfait russophone qui n’a jamais mis les pieds en Ukraine fait une faute de prononciation qui est repérée par les Ukrainiens, et par eux seulement.
  • Cette technique d’identification de l’ennemi apparaît depuis quelques jours dans des vidéos postées sur les réseaux sociaux. Par exemple, sur ces images, un homme se promène sur une route enfumée et croise deux soldats. Il leur demande de prononcer le mot magique, ce que les hommes refusent de faire : conclusion, ils sont Russes. Les militaires lui demandent d’arrêter de filmer, l’Ukrainien désobéit, faisant mine de filmer les arbres : « Je suis chez moi, la constitution de l’Ukraine m’autorise à filmer. » La séquence se finit bien. Un peu plus violente, cette vidéo montre un individu en civil, suivi et menacé par des Ukrainiens dans une rue non identifiée, qui refuse lui aussi de dire palyanitsya. Il s’agirait donc d’un saboteur, un pro-russe venu espionner ou dessiner des signes pour guider l’armée russe. On ne sait pas ce qu’il est advenu de cet homme.
  • Ce n’est pas la première fois que l’astuce langagière est utilisée en temps de guerre. Ce type de mots permettant d’identifier un ami ou un ennemi porte même un nom : un « schibboleth ». Mot d’origine hébraïque (שִׁבֹּלֶת), on le retrouve notamment dans la Bible, où il signifie « épi » ou « branche ». Les Galaadites (ou Guiléadites) l’auraient employé pour vérifier si les personnes traversant le fleuve Jourdain étaient des Éphraïmites, leurs ennemis : si l’un d’entre eux prononçait Sibboleth au lieu de Schibboleth, alors c’en était fini de lui. D’autres schibboleths ont traversé l’histoire – et la géographie. Les pirates frisons avaient le leur au XVIe siècle ; les Alsaciens aussi, par rapport aux Allemands, pendant la Première Guerre mondiale (barabli, pour dire « parapluie ») ; les Haïtiens, dans les années 1930, les Dominicains aussi (perejil, « persil ») ; ou encore pendant la guerre des Malouines, les Britanniques face aux Argentins (« Hey, Jimmy »).
  • Si l’ampleur et l’efficacité de leur usage restent difficiles à établir, les schibboleths montrent que la guerre est aussi affaire de langage. Pas seulement dans les campagnes de propagande ou de désinformation, ni dans la technicité du langage militaire, mais aussi de façon plus informelle, sur le terrain. En ce sens, le langage courant permet parfois de sauver des vies, si la réponse permet de se mettre à l’abri – ou de s’en prendre à l’ennemi, si la rencontre dégénère. Dans le cas de la guerre en Ukraine, le schibboleth palyanitsya met également en lumière la complexité du conflit, car certains Ukrainiens russophones qui seraient passés du côté russe peuvent bien prononcer le mot et donc échapper à l’identification. Parfois, l’ennemi est un ami qui a changé de camp. La guerre en Ukraine semble d’autant plus tragique qu’elle contient cette dimension fratricide, dont le langage est comme le révélateur intime.
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