“Le mouvement ‘queer’ induit à repenser la place des normes dans la libération sexuelle”
Être queer, c’est-à-dire libéré des assignations classiques en matière de genre ou d’orientation sexuelle, signifie-t-il se libérer de toute norme ? Dans son essai Vers la normativité queer (Blast, 2023), le jeune philosophe Pierre Niedergang critique la position « anti-normative », incapable selon lui de traiter des problématiques majeures, comme les violences sexuelles. Mais comment penser des normes alternatives aux normes communes ?
Qu’est-ce que le mouvement queer, et en quoi se distingue-t-il du féminisme ?
Pierre Niedergang : « Queer » en anglais signifie « étrange », « bizarre ». C’est le nom dont se sont emparées les minorités sexuelles qui ne s’identifient à aucune catégorie classique relative à l’identité de genre (homme/femme) ou à l’orientation sexuelle (homosexuel, hétérosexuel), ou bien qui refusent d'y être enfermées. Le queer est un mouvement hétérogène, mais il me semble qu’il se définit principalement par l’importance accordée au désir, et son articulation avec la question des normes. Il apparaît aux États-Unis à la fin des années 1980. À l’époque, les luttes gays et lesbiennes sont dominées par des politiques fondées sur l’identité. La délimitation des frontières de l’identité « femme » est également source de nombreux débats, du côté du féminisme noir ou du féminisme matérialiste. L’épidémie de VIH questionne par ailleurs les frontières entre les identités et oblige à des politiques de coalition. Le queer naît comme une certaine lecture de ces luttes. Ainsi, Judith Butler propose d’opérer la critique de l’identité « femme » en articulant genre et sexualité : les deux genres, homme et femme, sont des catégories selon elle socialement construites par « l’hétérosexualité obligatoire » et non des catégories naturelles. Cependant, si la pensée queer invite à se décoller d’un certain type de féminisme dit « essentialiste », qui prend les catégories « homme » et « femme » pour des données naturelles et évidentes, elle ne s’oppose pas au féminisme.
“Dans les milieux queer se diffuse actuellement un discours selon lequel il faudrait être ‘le moins normatif possible’, refuser la famille, y compris queer, refuser de mettre des préservatifs avec des inconnus, etc.”
Si le concept de queer invite à remettre en question les normes du genre et de la sexualité, vous refusez de le définir comme une pure émancipation des normes.
Et si la révolution féministe actuelle était à la fois porteuse d’une émancipation sexuelle sans précédent, et de nouvelles normes, tendant à…
L’Église catholique a un problème avec l’homosexualité, difficile de ne pas le reconnaître. Encore récemment, une note de la Congrégation pour la…
En défendant une “liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle”, les signataires de la tribune parue ce mardi 9 janvier dans “Le…
Figure majeure du Mouvement de libération des femmes, pionnière des études de genre, Monique Wittig fit du lesbianisme un choix politique, afin de…
Près d’une moitié des sondés estime que la sexualité occupe une place trop importante dans la société. Omniprésente dans les médias et la…
La révolution sexuelle avait promis de supprimer tous les interdits. Mais les émois soulevés par les affaires de censure, de pédophilie ou de sadomasochisme ont aboli cette idée de liberté absolue. L’enjeu est de parvenir à penser des…
C’est le mot qui se cache derrière la lettre A, la dernière à avoir rejoint l’acronyme LGBTQIA qui rassemble les différentes minorités sexuelles…
La société désigne un ensemble d’individus reliés entre eux par une culture et une histoire. Il est donc abusif de parler de sociétés animales qui ne se perpétuent que par hérédité – non par héritage –, mais pertinent de parler de…