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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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(cc) Ian Dooley / Unsplash

Société

Que cache la “libération sexuelle” ?

Cédric Enjalbert publié le 11 janvier 2018 3 min

En défendant une “liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle”, les signataires de la tribune parue ce mardi 9 janvier dans “Le Monde” manquent la face cachée de cette libération sexuelle.

 

Une tribune signée dans Le Monde par des intellectuelles et des artistes, dont Catherine Deneuve, défend la « liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle ». Pour les signataires de ce texte, « une femme peut, dans la même journée, diriger une équipe professionnelle et jouir d’être l’objet sexuel d’un homme, sans être une “salope” ni une vile complice du patriarcat ». Qui le conteste ?

En revanche, en insistant sur une conception de la « liberté sexuelle » reposant sur un principe antipaternaliste – personne ne sait mieux ce qui est bon pour moi –, les signataires manquent la face cachée de cette « libération sexuelle ». Or, comme le souligne la sociologue Eva Illouz, dans le dernier numéro de Philosophie magazine, « les femmes ont été les grandes perdantes de la révolution sexuelle ». Car si elles « sont rentrées massivement sur le marché du travail, elles restent, dans leur majorité, des ouvrières du capitalisme, pour la plupart éloignées de la grande fortune et de la propriété. Il faut avoir en tête ce tableau d’ensemble pour mesurer la portée de la libération sexuelle : libérer la sexualité sans toucher au pouvoir économique et politique des hommes revient à placer les femmes dans une position de vulnérabilité structurelle dans un marché sexuel ouvert et dérégulé ».

Lire l’entretien avec Eva Illouz : “ Les femmes ont été les grandes perdantes de la révolution sexuelle ” ☛


Éthique du consentement

Les signataires invoquent le philosophe libertaire Ruwen Ogien pour étayer leur défense de la liberté d’importuner, sinon celle d’être offensées, au prétexte qu’il pourfend lui aussi dans ses essais de toute forme de paternalisme et toute espèce de moraline... mais pour le partisan de l’éthique minimale, le consentement reste le fondement d’une sexualité « libérée » ! Dans une optique éthique dite « minimale », chacun est en effet libre de faire ce qu’il veut de son corps, à conditions de ne pas nuire intentionnellement à autrui. La conception de la liberté sexuelle selon Ruwen Ogien repose ainsi sur un principe : « Chacun est libre de faire ce qu’il veut de sa sexualité (y compris de n’en faire rien du tout) du moment qu’il ne nuit à personne (ou à personne d’autre que lui-même), le consentement étant le critère le plus pertinent de ce qui est permis ou interdit en matière de relations sexuelles. » 

Pour autant, Ogien ne conteste pas que la notion de consentement « comporte bien des ambiguïtés. Il y a un risque de voir s’imposer une définition si exigeante qu’elle est impossible à satisfaire ». Il invite à observer un second principe, politique, consistant dans la non-ingérence de l’État dans la conception de la vie sexuelle et le refus de toute conception substantielle des « bonnes pratiques », et à se contenter d’une « définition minimale du consentement ».

Lire l’entretien avec Ruwen Ogien : “Ni la maladie ni les souffrances physiques n’ont de justification morale” ☛


Transformer les conceptions sexistes de la sexualité

Cette définition minimale peut-elle s’accommoder de la simple « liberté de dire non à une proposition sexuelle », comme le proposent les signataires de la tribune, qui serait le pendant de « la liberté d’importuner » ? Non, pour la philosophe Manon Garcia. Selon elle, la liberté de « dire non » est un leurre, car une « domination structurelle » rend le refus d’autant plus difficile pour les femmes. « Lors d’une agression, précise-t-elle, l’effet de sidération peut être tel que la victime ne soit pas en mesure de dire non. De plus, il est plus difficile et plus coûteux de devoir dire non quand on ne veut pas, que de ne pas dire oui. »

La philosophe va plus loin en défendant une conception affirmative du consentement : « Je crois possible de changer l’horizon moral et les normes de com­portement en modifiant la structure sociale et juridique, et en défendant par exemple un consentement positif, explicite et non tacite, au nom de l’idée qu’il est plus coûteux de devoir dire non que de ne pas dire oui », explique-t-elle.

Cette éthique du consentement, dans la veine contractualiste des philosophe libéraux, dont se réclament pourtant précisément les signataires de la tribune, ne le conteste pas : il « restera donc toujours des zones grises dans les domaines intimes et conjugaux, et on peut penser le consentement affirmatif sans une contractualisation des rapports intimes. Mais faire du consentement positif la norme juridique et morale d’un rapport sexuel valide semble être un moyen efficace pour transformer les conceptions sexistes de la sexualité ». Vaste programme !

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