Axelle Jah Njiké : “Je crois en un féminisme qui émancipe de l’intérieur”
Axelle Jah Njiké, créatrice du podcast Me, My Sexe and I, prône l’émancipation par l’intime. Journal intime d’une féministe (noire) (Au diable vauvert, 2022) est le récit très fort d’une femme d’origine camerounaise qui reprend le contrôle de son destin. L’autrice nous plonge dans son intimité et nous incite à « s’incarner dans son sexe au sens propre et figuré ». Elle inscrit son journal intime au sein d’un féminisme « païen » ; c’est-à-dire indissocié des histoires des filles et des femmes de sa famille, d’une lignée où elles ne pouvaient pas jouir des mêmes droits sur leur corps et leur sexe.
Quand avez-vous commencé ce journal ?
Axelle Jah Njiké : J’ai commencé la première rédaction de ce livre à la fin des années 90. Mais à l’époque, pour être publiée, je devais accepter de supprimer des passages sur la presse féminine. C’est là où Raphaël Sorin, qui repère le texte, a été incroyable. Il m’a regardé et m’a lancé : « C’est simple, si vous voulez être une sensation d’été, vous acceptez ce deal, vous faites disparaître ce chapitre. Si vous voulez être une autrice vous ne touchez à rien. » Et je lui ai répondu que je voulais être une autrice, et il m’a dit « Un jour l’époque sera prête pour vous, alors accrochez-vous ! »
Comment est-ce que la littérature est devenue votre refuge ?
Le niveau scolaire au Cameroun est très bon, alors quand j’arrive en France, en CP, la maîtresse me donne les clés de la bibliothèque pour lire pendant que les autres travaillent. Je dévore les romans, et comme je n’aime pas les fins, je les réécris. Quand je pensais que l’héroïne aurait pu faire autre chose, je le réécris sur mon cahier. Et petit à petit, je commence à inscrire mes pensées – et c’est en découvrant le journal d’Anaïs Nin que je comprends que le journal est un objet littéraire.
“[La communauté africaine] nous dit que le féminisme, c’est un truc de femme blanche”
Pourquoi border le mot “noire” de parenthèses ?
Le titre illustre un point de vue situé. Quand je parle de mon expérience noire, ce n’est pas la même que celle de quelqu’un qui serait né ici. Moi, j’ai un parcours qui me singularise, même au sein des communautés noires, j’ai un point de vue d’Afropéenne. Je suis née en Afrique mais j’ai grandi et j’ai été éduquée en Europe. Je n’ai pas gravité dans un modèle habituel de famille noire ou les liens familiaux étaient très importants. J’ai été élevée par deux hommes noirs. Moi, j’ai dû sauver ma peau. Avant d’être noire, j’étais une petite fille dans une configuration inhabituelle dans laquelle il y a eu des violences sous le toit familial. Mon premier rapport sexuel n’était pas consenti. Je n’avais que moi-même pour me défendre. Donc à un moment donné, je me suis choisie moi. Je ne suis pas que noire, je suis aussi Lily, je suis aussi Axelle, je suis aussi celle victime de violences sexuelles et éducatives. Les parenthèses, c’est ça.
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