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Une exposition “d’art immersif” aux Bassins de lumières à Bordeaux, le 11 mai 2021. © Thibaud Moritz/abacapress

La question qui fâche

“L’art immersif”, expérience unique ou arnaque ?

Antony Chanthanakone publié le 18 décembre 2021 4 min

Des tournesols géants projetés sur les murs, comme si les tableaux de Van Gogh prenaient vie. Tel est le concept d’une des expositions d’« art immersif » qui a rencontré un grand succès à l’atelier des Lumières, à Paris. Un type de mise en scène muséale qui connaît, en ce moment, un intérêt croissant. Dans la capitale, on recense actuellement pas moins de six expositions de ce genre, dont « L’Odyssée sensorielle », au muséum national d’Histoire naturelle. Tandis qu’au Palais des Beaux-Arts de Lille, « L’Expérience Goya » attire elle aussi de nombreux spectateurs…

Toutefois, ces expositions montrent-elles vraiment de l’art ? Comment expliquer un tel engouement ? Tentons de faire la lumière sur des installations numériques qui fascinent autant qu’elles interrogent. 

 

  • Art immersif, art numérique, art interactif, art technologique, œuvre à 360°… Les qualificatifs ne manquent pas aux communicants pour définir cette nouvelle manière d’exposer des images – et de les regarder. L’art immersif suppose une utilisation tout à fait singulière de la technologie. Comme l’explique Christiane Paul, professeure à la New School de New York et autrice de L’Art numérique (Thames & Hudson, 2004), le numérique y est « plus qu’un simple outil pour créer des objets traditionnels, comme des photos. L’œuvre numérique en exploite le potentiel interactif ou participatif ». Le spectateur n’a certes pas de véritables tableaux en face de lui, mais il peut se les approprier de manière plus dynamique que dans un musée. Les codes traditionnels des musées sont chamboulés, attirant de nouveaux publics, notamment les familles – les enfants raffolent de ce genre d’immersion, qui mettent en jeu l’ouïe et le toucher autant que la vue.
  • Il y a toutefois art numérique… et art numérique. L’art numérique stricto sensu, c’est à dire tel qu’il a émergé ces dernières décennies (installations vidéo, puis plus récemment projections, mapping, environnements connectés et installations audiovisuelles hybridées ou non avec des performances, sans parler des NFT désormais intégralement dématérialisés) peut simplement être considéré comme une évolution naturelle de l’art contemporain. Le champ de la création s’est progressivement élargi tout au long de l’histoire de l’art ; il admet donc aujourd’hui des supports inédits. À ce titre, certains artistes contemporains s’emparent des possibilités technologiques offertes par le numérique pour des résultats divers, dont il reviendra au spectateur de juger de la pertinence ou de l’intérêt. Toutefois, la numérisation d’œuvres préexistantes et réalisées sur des supports physiques traditionnels – typiquement, des tableaux classiques qui deviennent des projections, tels les tournesols de Van Gogh agrandis et animés – pose un tout autre problème, très concret : elle les dénature. Est-il acceptable de métamorphoser une œuvre en quelque chose de radicalement différent à des fins d’« accessibilité » ? Peut-on sans dommages décontextualiser une œuvre et couper son intention de son support original, de ses conditions de production et de son unité… artistique ? Cela pose in fine la question, polémique, de l’essence d’une œuvre. Est-elle inaliénable ? À ce sujet, les passions se déchaînent.
  • Pour certains, cette nouvelle façon d’apprécier l’art à travers le numérique est un renouvellement bienvenu de l’attractivité de l’art traditionnel. Mais malgré un franc succès en billetterie, des critiques s’élèvent pour rejeter cette tendance, dont le philosophe Yves Michaud, qui y voit une un goût malheureux pour les « expériences », signe de notre hédonisme contemporain sans limites. Selon le professeur de philosophie à Paris-I Panthéon Sorbonne, l’expérience en art est une reconfiguration complète de la manière de voir des œuvres. Au face-à-face, l’art expérientiel « suppose un effacement ou un affaiblissement du contrôle du sujet » (Narcisse et ses avatars, Grasset, 2014). Le spectateur n’est plus agent mais passif, si bien qu’il n’existe plus : « Avoir des expériences, c’est vivre des expériences et se plonger en elles jusqu’à ne plus s’en distinguer. » Alors que l’art suppose un sujet agent dans une réflexivité engageant son intellect aussi bien que sa sensibilité, ce type d’expériences est le signe de l’abandon du sujet par lui-même.
  • Pis encore, pour l’ancien directeur des Beaux-Arts de Paris, l’art immersif acte le fait que l’art déserte peu à peu les musées, et que l’idée de beauté ne soit plus une valeur fondamentale de la création, comme il s’en inquiétait dans nos colonnes : « En art, le beau n’est plus le problème, mais en dehors du monde de l’art, la recherche du beau est partout […] Désormais, l’atmosphère est hédonistique, relativiste, fondée sur la quête des plaisirs qui vous évitent de réfléchir. » Le jugement esthétique est remplacé par l’hédonisme et le règne sans partage du plaisir pur et simple. De sorte qu’il est de plus en plus difficile de soutenir la distinction kantienne classique entre ce qui est agréable et ce qui est beau. Et entre ce qui est du divertissement et de l’art ? Avec l’art immersif, nous sommes à la croisée des deux, donc peut-être ni vraiment dans l’un, ni dans l’autre… En cette période de fêtes, les expositions seront pléthore. Alors, à vous de trancher la question.
À lire aussi : Yves Michaud, le beau et l’art contemporain
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