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Une rue de Kiev (Ukraine) pendant une panne d'électricité, le 6 novembre 2022. © Andrew Kravchenko/AP/Sipa

“La Vie est belle” à Kiev

Michel Eltchaninoff publié le 08 novembre 2022 3 min

Comment vit-on sans chauffage, sans lumière et sans eau ? Surtout si l’on habite au 22e étage d’un immeuble et qu’on a deux enfants en bas âge ? On fête Noël avant l’heure. C’est ce que raconte Kateryna, habitante de Kiev, qui subit la “guerre du froid” depuis un mois.

 

« Faute d’envahir toute l’Ukraine, les Russes ont donc décidé de torturer ses habitants en bombardant les centrales électriques et autres infrastructures partout dans le pays. L’objectif est de démoraliser les Ukrainiens, de les pousser à fuir ou de les faire mourir de soif ou de froid – il a fait 3° Celsius cette nuit à Kiev. 40% au moins de l’approvisionnement en énergie sont déjà inutilisables. Comment les Ukrainiens supportent-ils cette situation ? Difficile de le savoir, car les pénuries rendent de plus en plus laborieux l’accès à internet et aux téléphones.

Par l’intermédiaire de son amie Maryna, j’ai tout de même reçu des nouvelles de Kateryna, 33 ans, qui a deux enfants de 4 et 6 ans. Son mari travaille toujours à Kiev. Douze heures sur vingt-quatre au moins, ils n’ont pas d’eau, de chauffage ni d’électricité. En se levant, la première chose que fait Kateryna est de remplir sa baignoire d’eau et de faire chauffer ses thermos – elle en a désormais toute une collection. Car même s’il existe un planning des interruptions, on ne sait jamais vraiment quand les coupures arriveront. Puis lancer la machine à laver, faire la toilette des enfants, prendre une douche si c’est possible, descendre dare-dare faire les courses, les magasins pouvant fermer à tout moment. Si elle n’a pas de chance, Kateryna doit remonter 22 étages à pied. Les écoles sont ouvertes. On y emmène parfois les petits, mais quand une énième alerte à la bombe survient, ils doivent descendre dans des sous-sols où l’on gèle.

Au début, les enfants avaient peur de cette obscurité quasi permanente. Maintenant, ils jouent à cache-cache ou aux ombres chinoises à la lumière des bougies. Kateryna et son mari ont sorti des décorations lumineuses de Noël, qui fonctionnent sur batterie. Les enfants dessinent pendant que les parents cuisinent dans le noir. La nuit, comme il n’y a pas de chauffage, il fait très froid. Ils ont désormais des couvertures de survie et ils dorment habillés, tout en gardant leur torche sous leur oreiller en cas d’alerte à la bombe. À terme, c’est invivable, car l’hiver commence à peine. Mais cette famille ne veut pas quitter la ville, ni se séparer. Il faut tenir.

Adaptation et résilience sont les mots qu’on entend le plus sur cette vie dans le noir et le froid. Pour ne pas sombrer carrément dans l’angoisse et le désespoir, on exploite les ressources du “comme si” : comme si c’était déjà Noël, comme si tout ceci n’était qu’un jeu, comme si la ville sans éclairage public devenait plus romantique, comme si l’on se réjouissait d’avoir du temps pour lire. Hans Vaihinger, dans sa Philosophie du “comme si” (1911), montre qu’on peut jouer avec les fictions : s’en servir pour résoudre un problème sans verser dans l’hallucination. L’important, souligne Vaihinger, est que ces méthodes de compensation aident à continuer de vivre et d’agir. Cela me fait penser plus encore, toutes proportions gardées, à La Vie est belle (1998), ce film où Roberto Benigni fait croire à son petit garçon que le camp de la mort dans lequel ils sont envoyés n’est qu’un vaste terrain de jeu, histoire de garder un peu de joie.

Faire comme si, donc, pour ne pas laisser l’ennemi vous abîmer. Pour rester humains et vivants. »

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