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René Magritte, La Lampe philosophique, 1936 Huile sur toile, 46 x 55 cm. Collection particulière © Adagp, Paris 2016 © Photothèque R. Magritte / BI, Adagp, Paris, 2016
Culture / Exposition

“La Trahison des images” : René Magritte philosophe au Centre Pompidou

Cédric Enjalbert publié le 21 octobre 2016 5 min
Le Centre Pompidou consacre une importante exposition à René Magritte, découvrant l’appétence du peintre belge pour la philosophie. Manquant parfois de clarté mais assumant un angle astucieux, elle se tient jusqu’au 23 janvier 2017.

« L’art de peindre est un art de penser, dont l’existence souligne l’importance du rôle tenu dans la vie par les yeux du corps humain ; le sens de la vue étant en effet le seul qui soit intéressé par un tableau » écrit Magritte. Le Centre Pompidou lui consacre une exposition, faisant la part belle à sa réflexion philosophique. Intitulée d’après l’un de ses tableaux : La Trahison des images, cette rétrospective insiste sur la correspondance du peintre belge avec les philosophes de son temps. Car après avoir frayé avec le mouvement Dada et avoir été du surréalisme belge et français, l’artiste prend la tangente. Il abandonne progressivement la rencontre « fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie »  proprement surréaliste pour des tableaux à énigmes, suscitant des rapprochements logiques.

 

La Condition humaine

Il peint en 1929 La Trahison des images ajoutant ces mots fameux : « Ceci n’est pas une pipe ». L’inscription devient l’emblème de la déconstruction de la défiance platonicienne vis-à-vis de l’imitation et des images, suspectées d’être trompeuses et de nous éloigner du Vrai : oui, les images sont trompeuses, comme le langage, mais il est vain de chercher « ailleurs » une autre vérité, plus authentique, semble dire Magritte. Bien qu’entretenant des rapports compliqués avec André Breton, il publie la même année un texte fondateur dans la revue La Révolution surréaliste : « Les Mots et les Images ». Il s’interroge sur leur adéquation toujours défaillante aux objets et à la réalité qu’ils sont censés représenter. Trois ans plus tard, en 1932, Magritte peint Les Affinités électives, symbolisant pour lui le tournant « raisonnant » de son œuvre. Il délaisse le hasard objectif des surréalistes et s’attache à la mise en scène de « problèmes », comme dans cette représentation détournée de l’allégorie de la caverne de Platon. Que représente-t-il ? Un tableau représentant une toile sur un chevalet représentant l’horizon vu à travers l’ouverture d’une grotte obscure pourtant éclairée par un feu, soit une suite de simulacres. De cette mise en abyme, figurant la confusion entre le réel et sa représentation, Magritte fait une illustration de La Condition humaine et le titre du tableau.


René Magritte, La Condition humaine, 1935 Huile sur toile, 54 x 73 cm. Norfolk Museums Service © Adagp, Paris 2016 

Il prononce en 1938 La Ligne de vie, un discours de la méthode magrittéen constituant son crédo. Il y expose sa démarche raisonnée tendant à la résolution de « problèmes. Qu’est-ce qu’un « problème » pour Magritte ? L’élucidation d’une équation visuelle réconciliant, comme il l’écrit, « l’objet, la chose attachée à lui dans l’ombre de [la] conscience et la lumière où cette chose doit parvenir. » Il poursuit sa réflexion et entame après la guerre un dialogue avec le philosophe belge Alphonse De Waelhens, l’un des premiers traducteurs de Martin Heidegger. Son interlocuteur lui conseille la lecture du phénoménologue Maurice Merleau-Ponty, réputé pour la qualité de ses exemples puisés dans la peinture, aidant à penser l’origine de l’expression créatrice. René Magritte, droit dans ses bottes, rétorque : « Le discours très brillant de Merleau-Ponty est fort agréable à lire, mais il ne fait guère songer à la peinture – dont il paraît traiter cependant. Je dois même dire que lorsque cela arrive, il parle de la peinture comme si l’on parlait d’une œuvre philosophique en s’inquiétant du porte-plume et du papier qui ont servi à l’écrivain. » Magritte veut toucher à la chose même, faisant de « l’art de peindre un art de penser » en s’adressant directement à l’œil, « le sens de la vue étant en effet le seul qui soit intéressé par un tableau ».

 

Les mots et les choses

Il trouve un nouvel interlocuteur en Chaïm Perelman, professeur à l’Université libre de Bruxelles, instigateur de la « Nouvelle Rhétorique », renouant avec l’argumentation héritée d’Aristote, contre Platon qui faisait de la rhétorique un art sophistique propice à la manipulation. Chaïm Perelman enseigne non seulement la morale et la métaphysique, mais aussi la logique, que chérit Magritte. Comme le logicien auteur du Traité de l’argumentation, le peintre, qui a longtemps travaillé pour la publicité comme affichiste, structure sa pensée et sa peinture avec des « tropes » : des figures et motifs stylistiques constituant un vocabulaire : bougie, ombre, silhouette, rideau…

Bref, sans relâche, René Magritte interroge, analyse et décompose les mots et les choses. Les Mots et les Choses est aussi le titre d’un ouvrage de Michel Foucault paru en 1966. Le peintre ne tarde pas à lire l’essai. Il noue une relation avec le philosophe et meurt un an plus tard, en 1967. Mais de leur bref échange Foucault tire néanmoins un ouvrage posthume, publié en 1973 :  Ceci n’est pas une pipe. Le philosophe revient sur la question de la ressemblance, qui hante le rapport de l’image à la chose même, renvoyant à l’adéquation de la pensée à son objet, autrement dit au critère classique de la vérité. Pour Magritte, « ressembler, c’est un acte, et c’est un acte qui n’appartient qu’à la pensée. Ressembler, c’est devenir la chose que l’on prend avec soi ».

Foucault distingue plus précisément la ressemblance avec l’objet de référence et la similitude qui permet juste l’identification. La similitude « inaugure un jeu de transferts qui courent, prolifèrent, se propagent, se répondent dans le plan du tableau, sans rien affirmer ni représenter. » Représentant le dessin d’une pipe, représentant la représentation ou peignant l’opération même de peindre, Magritte montre que le mot pipe n’est qu’un « graphisme qui ne ressemble qu’à soi et ne saurait valoir pour ce dont il parle ». Mieux, par un jeu de similitudes il démontre, poursuit Foucault, que « rien de tout cela n'est une pipe; mais un texte qui simule un texte; un dessin d'une pipe qui simule un dessin d'une pipe; une pipe (dessinée comme n'étant pas un dessin) qui est le simulacre d'une pipe (dessinée à la manière d'une pipe qui ne serait pas elle-même un dessin)”. Sept discours dans un seul énoncé. Mais il n'en fallait pas moins pour abattre la forteresse où la similitude était prisonnière de l'assertion de ressemblance. » Ne pas représenter, mais montrer une « image de la ressemblance », ne rien affirmer, mais interroger à nouveau frais les rapports établis entre la chose et son image : en composant ainsi avec le « principe d’incertitude », s’aventurant dans les apories de la logique, Magritte défend une certaine idée de la modernité. 

Informations
Magritte, la trahison des images
Centre Pompidou – Place Georges-Pompidou – 75004 Paris
Du 21 septembre 2016 au 23 janvier 2017, de 11 heures à 21 heures tous les jours sauf les mardis. Nocturnes les lundis et jeudis jusqu’à 23 heures. 

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