Syrie / État islamique

La stratégie du sublime

Michel Eltchaninoff publié le 3 min

La conquête de Palmyre par Daech a ému le monde entier. C’est un philosophe originaire de cette cité antique, Longin, qui explique le mieux pourquoi ce type d’exactions nous choque tant.

L’organisation de l’État islamique, en s’emparant, à la fin du mois de mai, de la ville et des ruines de Palmyre, a, une fois de plus, réussi à choquer le monde entier. À amplifier, par la puissance symbolique de ce lieu magnifique, la tragédie des hommes massacrés ou en fuite. À asservir une ancienne cité marchande célèbre pour son cosmopolitisme et sa tolérance. À détruire la prison qui incarnait aux yeux des Syriens l’oppression des Assad. Ce que l’on sait moins, c’est que la tradition a attaché, depuis des siècles, le nom de cette ville à un penseur du nom de Longin. Il aurait vécu au IIIe siècle avant Jésus-Christ, sous le règne de la reine d’Orient Zénobie. Philosophe et homme politique, on lui a longtemps attribué le premier grand Traité du sublime, rédigé en grec. Cet ouvrage a marqué pour des siècles la réflexion sur ce terme qui ne désigne « pas proprement une chose qui se prouve et se démontre ; mais […] un merveilleux qui saisit, qui frappe, et qui se fait sentir », comme l’écrit Boileau, qui traduisit l’ouvrage en 1674. Or un critère différencie clairement le sentiment agréable du beau de celui du sublime : une terreur sacrée qui nous transporte hors de nous-même. Certes, pour Longin, la violence ne saurait prétendre au sublime. Superlatif du beau, accompagné d’une signification morale, le sublime ne saurait, selon le philosophe, être rabaissé par la laideur et l’excès. Longin y voit surtout la marque d’une grandeur antique, et Boileau une manifestation de Dieu. Reste que le sublime est, déjà, associé à quelque chose de surhumain et de terrifiant : « quand le Sublime vient à éclater où il le faut, il renverse tout comme un foudre », assure Longin. Il ne plaît pas, il captive.

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