Elizabeth Kessler : “Nous montrons l’univers comme nous peignions le grand Ouest américain au XIXe siècle”
Pour Elizabeth A. Kessler, chercheuse en culture visuelle à Stanford et autrice de Picturing The Cosmos (« La Représentation du cosmos », non traduit, University Of Minnesota Press, 2012), les images de l’univers souscrivent à l’esthétique du sublime, caractéristique de l’art romantique où la raison et les sens entrent en tension.
Dans quelle mesure les images du cosmos nous montrent-elles le réel ?
Elizabeth Kessler : Pour observer l’espace profond, jusqu’à treize milliards d’années-lumière, il faut un large éventail d’instruments très sophistiqués : des miroirs géants, des antennes, des détecteurs… Et la transmission de toutes ces données vers la Terre prend parfois des jours. Ensuite, au sol, il nous faut traduire toute cette masse d’informations en une image que nos yeux peuvent saisir. Cette traduction humaine est une médiation indispensable. Sans même considérer la distance qui nous sépare des objets observés, nous ne sommes pas capables de voir la lumière infrarouge que capte le télescope James-Webb.
“Simplement en orientant une image, on peut passer du sublime au monstrueux”
Comment ces images sont-elles fabriquées, concrètement ?
On capte trois images à des longueurs d’onde différentes et l’on convertit chacune d’entre elles en une image monochromatique : en rouge pour matérialiser l’énergie la plus froide, en bleu pour la plus excitée, en vert pour les états intermédiaires. Ensuite, on les combine pour obtenir un rendu multicolore. Quand on regarde notre spectre visible, le bleu et le rouge correspondent bien, respectivement, à des longueurs d’onde plus petites et plus grandes et donc à des énergies plus ou moins excitées. On traduit donc dans le visible des données scientifiques qui nous permettent d’apprécier des propriétés physiques des objets célestes, comme la nébuleuse planétaire NGC 3132. Sur cette image, on peut saisir le processus de la mort d’une étoile : on voit ses couches de gaz se dissiper et se refroidir (donc tendre vers le rouge) à mesure qu’elles s’éloignent de l’astre.
Les scientifiques usent donc simplement d’une convention pour colorer ce qui est pour nous invisible ?
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