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© Les Éditions L'échappée

Le livre du jour

“La Photo numérique, une force néo-libérale”, par André Rouillé

Nicolas Gastineau publié le 12 octobre 2020 4 min

Tous les jours, nous sommes noyés dans la masse des photos numériques. Plus personne n'échappe à la grande chorale des pixels : ils rebondissent de textos en Messenger, de WhatsApp à Facebook, de la télé aux écrans du métro. C'est sous notre nez, c'est banal – on n’y prête plus attention. Mais, justement, attention !, avertit le théoricien de la photographie André Rouillé, ces photos sont loin d'être innocentes. Dans son livre La Photo numérique, une force néo-libérale (L’Échappée, 2020), il avance l'idée qu’elles altèrent en profondeur notre rapport au monde. Le passage de l’argentique au numérique n’est pas qu’un saut qualitatif : “La photo argentique avait la forme fixe et figée d’images-choses : la photo numérique prospère dans l’ère du faux et des modulations, des vérités incertaines.” Le modèle est détourné, la photo perd sa mission de fidélité. Un “séisme esthétique” qui a des conséquences politiques : bienvenue dans l'ère des fake news et de la post-vérité. Plus encore, les propriétés de la photo numérique (instantanéité, volatilité, fluidité, etc.) seraient le reflet et les propagateurs des valeurs néolibérales.

 

  • La fin de la mimèsis. “Entre la photo numérique et la photo argentique, les différences ne sont pas de degré mais de nature.” L’argentique était un procédé chimique, l’image numérique est un processus électrique. La photo argentique était une empreinte physique du monde, la photo numérique est un fichier de chiffres codés altérable à l’infini. La première allait donc de chose (le sujet photographié) en chose (la photographie)  la seconde envoie la chose vers un univers d’indéfinition, virtuel et circulatoire. Mais qu'est-ce que ça change ? Déjà, la possibilité de modifier l’image crée un soupçon perpétuel : est-elle fidèle à son modèle ? #NoFilter, vraiment ? Surtout, ce soupçon finit par faire disjoncter la relation de l’image à ce qu’elle représente : au diable le réel photographié, l’image numérique accède à sa propre autonomie. Elle n’est plus tributaire de son modèle, n’a plus à lui être fidèle. Rouillé – qui semble toutefois étrangement ignorer que le trucage photographique existait déjà à l’âge argentique – y voit donc la fin du règne de Platon, pour qui l’art était condamnée à la mimèsis, c'est-à-dire l’imitation de la nature. Avec le risque, que nous vivons aujourd'hui, de la généralisation des fake news et d’une méfiance accrue envers l'image.
  • Snapchat contre Facebook, un heureux duel. Mais la photo numérique a de multiples visages. Dans un passage savoureux, André Rouillé oppose deux plateformes : Snapchat et Facebook. La première passe un contrat original avec l’utilisateur : le message posté ne pourra pas être visualisé plus de dix secondes. Alors que Facebook stocke et archive constamment les images postées, Snapchat les détruit systématiquement et leur garantit ainsi de n’être que de purs événements. On reçoit une image, mais elle va disparaître : la pression des secondes nous empêchent de contempler, seulement d'apercevoir. Snapchat l’éphémère retrouve alors un peu de la fugacité de l’observation de la nature : une biche traversant un champ à toute vitesse, un éclair zébrant le ciel. Pour Rouillé, l’approche de Snapchat est salutaire : face à la mémoire numérique de Facebook, qui capture toute notre activité et nos photos, l’amnésie de Snapchat est heureuse. Pour Rouillé, on y accède à “une liberté carnavalesque qui peut s’exercer sans crainte que les excès, provocations et transgressions ludiques d’un jour ne fassent inopinément retour.” Le logo de cette application est bien un fantôme : une discrétion rafraîchissante.
  • L’âge néolibéral de l’image. En dépit de cet éloge de Snapchat, le livre reste une critique politique. Assez vite, André Rouillé se réfère au philosophe allemand Theodor Adorno et cite son intuition célèbre : “La forme esthétique, c'est du contenu (social) sédimenté.” Cela signifie que les caractéristiques formelles d’une œuvre d’art ou d’un outil charrient les conditions sociales et politiques de leur époque. Quelle sont les formes de la photo numérique ? La fluidité de la transmission, la flexibilité, l’hyper-mobilité… ce sont là précisément les traits du néolibéralisme. La photo numérique est faite à son image, et propage son idéologie : elle permet à chacun de faire “L’expérience inouïe de la gratuité, de l’immédiateté, de l’ubiquité, de l’illimitation et de la flexibilité. Coût zéro, temps de production zéro.” À en croire André Rouillé, elle formerait ainsi un esprit du temps résonnant parfaitement avec les idées néolibérales, “la fiction d'un monde universellement accessible, sans frontières ni délais, sans aspérités ni obstacles matériels ; un monde lisse, totalement ouvert [...] affranchi des règles, des structures et des héritages.”

Reste à savoir si cette photographie du monde néolibéral est une copie fidèle du réel… ou un autre cliché de l’âge numérique.

 

La Photo numérique, une force néo-libérale d’André Rouillé vient de sortir chez L’Échappée. Disponible ici.

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