La Lune va-t-elle bientôt être privatisée ?
Si la mission Peregrine, du nom de l’atterrisseur lunaire américain conçu par l’entreprise privée Astrobotic, a échoué à se poser sur notre satellite, une question demeure : les territoires extraterrestres peuvent-ils être confisqués par les firmes qui les convoitent ?
La sonde Peregrine devait être le premier engin privé à se poser sur la Lune. Elle a été déclarée perdue par son fabricant, la start-up Astrobotic, le 19 janvier dernier. Cet échec ne remet pas en cause les visées du secteur privé sur la Lune, mais aussi sur Mars ou sur des astéroïdes, dont les sols recèleraient des trésors miniers. Le Traité sur l’espace des Nations unies de 1967 prévoit pourtant bien que « l’exploration et l’utilisation de l’espace doivent être réalisées dans l’intérêt et aux bénéfices de tous les pays, et doivent être du ressort de l’ensemble de l’humanité ». À l’époque de la guerre froide, cette déclaration visait surtout à empêcher une escalade militaire. Mais les temps ont changé. On appelle désormais « New Space » le mouvement consistant à voir des géants technologiques s’emparer de missions autrefois dévolues aux agences publiques. Comme le résument Irénée Régnauld et Arnaud Saint-Martin dans Une histoire de la conquête spatiale (La Fabrique, 2024) : « La “démocratisation” des usages de l’espace va de pair avec leur mise en marché. » Le traité fondateur de 1967 craque en effet sous la pression des lobbyistes, car il interdit toute « appropriation par les États »… et des États seulement ! En 2015, les États-Unis ont donc pu profiter de cette faille et voter le Space Act, qui reconnaît la propriété des ressources spatiales à tout « citoyen américain » les exploitant à des fins commerciales. Pour les auteurs du livre, « de Res Communis (chose commune, c’est-à-dire n’appartenant à personne, mais utilisable librement par tous) le statut de l’espace est passé à Res Nullius (chose sans maître, c’est-à-dire n’appartenant à personne, jusqu’à ce que quelqu’un s’en empare). » La Lune a aujourd’hui un statut proche de celui des fonds marins extraterritoriaux, autorisant « l’exploitation » mais pas « l’appropriation ». Or, pour le philosophe John Locke, les deux sont liés : le droit de propriété est justifié par le travail effectué pour faire fructifier la terre. « C’est le fait de prendre une partie de ce qui est commun et de l’arracher à l’état où la laisse la nature qui est au commencement de la propriété », écrit-il dans le Second Traité du gouvernement civil (1690). Qu’aurait-il pensé de cette ruée lunaire ?
Faites-vous primer le désir comme Spinoza, la joie à l'instar de Platon, la liberté sur les pas de Beauvoir, ou la lucidité à l'image de Schopenhauer ? Cet Expresso vous permettra de le déterminer !
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