La Journée mondiale de la philosophie célébrée à l’Unesco

Comme chaque année depuis 2005, l’Unesco (Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture) célèbre la Journée mondiale de la philosophie, le troisième jeudi du mois de novembre. Cette journée organisée à Paris en concomitance et en partenariat avec les 14ièmes Rencontres internationales sur les Nouvelles Pratiques philosophiques, sous l’égide de l’association Philolab, se déroule de façon très disparate aux quatre coins du monde. Elle entend répondre globalement à la vocation de l'organisation internationale en resserrant « par l’éducation, la science et la culture, la collaboration entre nations, afin d’assurer le respect universel de la justice, de la loi, des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous ». La philosophie apporte sa pierre à l'édifice.

Sud-Sud

La journée qui lui est consacrée réunit cette année au siège de l’Unesco, à Paris, des manifestations autour de la question des « transformations sociales et du dialogue interculturel ». Un vaste programme... de débats, de rencontres et d’ateliers, dont le fer de lance est le lancement du Manuel de philosophie : une perspective Sud-Sud conçu avec le soutien du programme international pour la culture de la paix et le dialogue, financé par Abdullah Bin Abdulaziz. Le roi d’Arabie Saoudite, connu avoir initié des mesures sociales et de promotion l’égalité des droits, en réponse au printemps arabe, est une voix dite modérée au Moyen-Orient, favorable au dialogue inter-religieux. Il détient aussi l'une des plus grandes fortunes mondiales.

Que contient ce manuel ? À destination des étudiants de l’enseignement secondaire et supérieur, il entend nourrir, par le décentrement du regard, « le dialogue intellectuel et philosophique Sud-Sud » et « encourager l’émergence de visions plurielles en valorisant et en faisant connaître des traditions philosophiques encore mal connues, issues des sociétés métaphoriquement appelées “du Sud” ». Disponible en anglais, arabe et français, il contient des « pensées d'ailleurs » puisées dans les traditions non-occidentales: des ressources africaines, arabes, asiatiques, issues du Pacifique, de l’Amérique latine et des Caraïbes. L’ensemble, complété d’un appareil critique, a été supervisé, pour l'Afrique, par le chercheur camerounais Nkolo Foé, par le philosophe cubain Raul Fornet-Betancourt pour l'Amérique latine, et par Rainier Ibana, enseignant l’éthique aux Philippines, s'agissant de l'Asie.

Trait d'union

À l’issue de la présentation de l’ouvrage ce jeudi, la parole sera laissée à Ali Benmakhlouf, coordinateur du manuel pour la région arabe. Vice-président du Comité consultatif national d'éthique enseignant à l’université et à Sciences Po Paris, spécialiste de logique et des études islamiques, il est notamment l’auteur d’ouvrages sur Montaigne, Al Fârâbî et Averroès. Il partage avec ce dernier un « souci éducatif ». Averroès, selon Ali Benmakhlouf, montre que « la sagesse philosophique est une parole argumentée, et la loi divine, une inspiration. À cette dernière répond la foi, qui est une présence. La foi, conforme à la loi divine, justifie et anime le croyant, mais ne relève pas de justifications. Il peut y avoir un contraste entre une foi qui ne donne pas ses raisons et une sagesse qui ne cesse de donner les siennes. Mais contraste ne signifie pas incompatibilité. Pour Averroès, la “sagesse” est précisément le trait d’union entre une philosophie héritée des Grecs et un texte advenu selon une transmission prophétique qui fait appel à la foi. » Ce manuel saura-t-il contribuer à dessiner ce trait d’union philosophique? Et avec l’accompagnement de quels enseignants, dans quelles écoles ? Un livre existe, son usage reste à définir.

- Plus de détails sur la journée et sur le programme sur le site de l’Unesco.
- Lire aussi l'entretien mené avec Roger-Pol Droit: « Nous devons ouvrir les horizons du pensable », 
- et, plus généralement, le dossier consacré au « pensées d'ailleurs »: Quitter l'Occident.