La guerre des clercs. Entretien avec Amir Nikpey
Au pied des montagnes qui dominent Téhéran, l’immense campus de l’université Shahid-Behesthi, l’une des plus libérales du pays, respire la concentration des périodes d’examens. Dans son petit bureau, le sociologue franco-iranien Amir Nikpey dévoile les coulisses de la lutte intellectuelle qui agite les milieux religieux dans la République islamique. Un combat qui dure depuis des décennies mais qui a repris de plus belle depuis l’élection d’un président réformateur, Hassan Rohani.
Qui sont ces théologiens chiites qui sont officiellement les maîtres de l’Iran depuis la Révolution islamique ?
Amir Nikpey: Ils sont de plusieurs types. Les premiers sont les clercs formés dans les écoles religieuses traditionnelles, par exemple à Qom. Certains d’entre eux ont suivi l’ayatollah Khomeiny dans sa quête du pouvoir politique en 1979. Aujourd’hui, ils défendent farouchement le régime contre tous les déviants. Mais ils ne représentent pas la majorité des membres du haut clergé. La plupart des marjas, ces « sources d’imitation » du chiisme, considèrent en effet que le pouvoir de la religion est contre-productif pour la religion elle-même. Ils n’acceptent pas le pouvoir à la fois spirituel et politique du Guide suprême actuel, Ali Khamenei.
Une deuxième catégorie est constituée de théologiens modernes formés dans les universités laïques. Ce sont des sociologues, des juristes, des anthropologues, des philosophes, qui ont un discours systématique sur la religion. Ils sont croyants mais peuvent par exemple être en même temps révolutionnaires. Ce phénomène est très comparable à ce qui s’est passé en Amérique du Sud dans les années 1960 : il y avait alors une théologie féministe, une théologie libérale, une théologie de la libération, et même une théologie de la mort de dieu. Ces intellectuels religieux, en Iran, ont été très influents des années 1960 aux années 1990. Ils étaient croyants mais étaient des révolutionnaires influencés par Jean-Paul Sartre ou le penseur anticolonialiste Frantz Fanon. Le plus célèbre d’entre eux, Ali Shariati, se disait ainsi socialiste. Il combattait à la fois les religieux traditionnels et le modernisme athée.
Amir Nikpey, philosophe, enseignant-chercheur à l’université Shahid-Beheshti de Téhéran, montre que l’autonomisation de la société iranienne est dans l’intérêt du camp religieux.
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