La critique de Gérald Bronner : “Faire du réchauffement climatique un enjeu central et rejeter le nucléaire n’est pas cohérent”
Infatigable défenseur du rationalisme contre les diverses formes contemporaines de la crédulité, le sociologue Gérald Bronner reproche aux collapsologues de n’accepter les arguments scientifiques que lorsqu’ils vont dans leur sens.
La collapsologie se présente comme une science transdisciplinaire mais aussi comme une éthique pour affronter l’effondrement « de manière civilisée ». Cette double ambition n’est-elle pas problématique ?
Gérald Bronner : Je n’ai aucun problème avec l’ambition transdisciplinaire de la collapsologie. Si l’on s’intéresse aux effondrements, d’une fourmilière comme d’un système financier ou du climat, il est nécessaire de convoquer des disciplines différentes. Les travaux du Giec sur le climat le montrent. Mais cela oblige à de la prudence. L’ambition éthique d’induire un changement de comportements est plus problématique, car elle conduit les collapsologues à amputer une part du réel dans leur diagnostic. Dans l’arborescence du possible, ils n’ont de considération que pour les branches du pire. Cela risque de faire tomber la collapsologie du côté de l’idéologie.
Un exemple ?
Nous savons que l’humanité sera un jour confrontée à l’épuisement des ressources. Mais l’horizon est-il de quelques décennies ou disposons-nous de plus de temps ? Pour y répondre, un facteur positif dont ne tiennent pas compte les collapsologues est celui de l’augmentation de la productivité agricole. Dans les pays occidentaux, elle a été multipliée par cinq entre 1950 et 1980. Et elle continuera de l’être, à moins que l’on interdise l’innovation technologique, comme c’est le cas avec les organismes génétiquement modifiés [OGM] en Europe, qui permettent pourtant de surmonter le problème du « stress hydrique », ou avec le glyphosate, qui permet de ne pas épuiser les sols et sur lequel il y a un consensus scientifique – aux doses prescrites, il n’y a pas de dangerosité. Je comprends que l’on s’oppose aux OGM et au glyphosate au nom du modèle agricole qu’ils induisent, mais on ne devrait pas invoquer leur dangerosité. On ne peut pas admettre le consensus scientifique quand il va dans notre sens – sur le climat – et le récuser quand il bouscule nos convictions – sur l’innocuité des OGM et du glyphosate.
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