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John Dewey et l’éthique démocratique

Frédéric Manzini publié le 30 novembre 2021 4 min

Plus connu comme théoricien de la démocratie, le philosophe américain John Dewey (1859-1952) a également écrit sur l’éducation, sur la psychologie et sur la morale. Dans son Éthique (version de 1932), rédigée en collaboration avec James Hayden Tufts (1862-1942) et qui vient de paraître dans une traduction française (Gallimard, 2021), il montre la nécessité de repenser l’éthique pour l’adapter aux exigences de l’époque moderne. Mais en quoi consisterait ce projet d’une morale de nature « démocratique », qui serait en accord avec les problèmes concrets rencontrés dans la société et qui pourrait être mise au service de tous ?

 

  • Autres temps, autres mœurs… et autres éthiques. L’histoire aurait-elle eu raison de la morale classique ? D’une certaine façon oui, répondent John Dewey et James Hayden Tufts, pour qui « les coutumes des peuples primitifs ne sont certes pas un guide efficace pour régler nos comportements aujourd’hui, et nos problèmes ne sont pas les mêmes que ceux rencontrés pas les Hébreux, les Grecs et les Romains du monde antique ». Mais si les mœurs dépendent du contexte qui les a fait naître, alors la théorie morale elle-même ne saurait être intemporelle : elle doit également correspondre aux normes de son époque et s’y adapter. Les deux philosophes rejettent ainsi ce qu’ils appellent une « théorie dogmatique de la morale », qui « postulerait l’existence d’une connaissance indépassable » et reposerait sur certains principes posés a priori, pour lui préférer une démarche plus pragmatique, « expérimentale » et « réflexive », fondée sur « l’observation » de la réalité existante.
  • Y a-t-il une forme proprement démocratique de moralité ? Dit autrement, « pour que la morale soit vivace, elle doit entrer en dialogue avec son temps, sous peine de devenir lettre morte ». Or même si Dewey et Tufts font un étonnant rapprochement entre le kalos kagathos (καλὸς κἀγαθός) grec et le gentleman anglais, ils n’en soulignent pas moins que l’idéal moral classique, fondé sur la vertu et l’honorabilité d’un individu héritier d’une noble ascendance, mérite aujourd’hui d’être dépassé. Puisque « l’époque actuelle est une période de mutation », il faut remettre en question « des traditions dont on a hérité et qui se sont institutionnalisées ». C’est ainsi qu’une éthique proprement démocratique ne devrait plus mettre en exergue certains modèles exemplaires dans une perspective d’une excellence très aristocratique, et devrait plutôt intégrer la notion d’égalité comme un idéal social. Mieux, il s’agit pour elle de rendre compatible la liberté individuelle qui est offerte à tous et l’existence d’un bien commun. Ainsi l’éthique démocratique, « loin de le résoudre, pose le grand problème suivant : comment harmoniser le développement de chaque individu avec le maintien d’un état social dans lequel les activités d’un seul contribueront au bien de tous les autres ? »
  • L’économie au cœur d’une nouvelle morale à inventer. Le défi est d’autant plus redoutable qu’il s’étend à de nouveaux domaines, et notamment à l’économie dont les deux philosophes mesurent la place centrale qu’elle occupe chez ses contemporains, précisément à cause de cette égalité démocratique qui rend possible l’existence d’un grand marché économique. Ils s’emparent ainsi de questionnements très concrets qui concernent les conditions de travail (« Que peut-on considérer comme une cadence raisonnable pour une journée de travail ? »), les syndicats, le monde des affaires et de l’entreprise. Sans apporter des réponses précises aux problèmes qu’ils soulèvent, Dewey et Tufts pointent des difficultés précises du quotidien, comme par exemple quand ils s’interrogent sur le principe des négociations collectives censées éviter les rapports de force entre le patronat et les employés : relatant une décision de la Cour suprême des États-Unis qui rappelle qu’employeur et employés ont les mêmes droits, ils estiment que « ce jugement fait l’impasse sur la question de l’égalité réelle quand il s’agit de négociations entre la grande compagnie de chemin de fer et le travailleur isolé » et en appellent à un système autre que celui de la négociation libre, qui reste à inventer.
  • Une éthique du capitalisme à l’écart de toute idéologie politique. En effet, si le « capitalisme », par quoi Dewey et Tufts entendent l’ensemble des « méthodes actuelles de production et d’organisation économique », a le mérite de garantir certaines libertés, il n’en pose pas moins certains défis à la démocratie, notamment sur le plan de la responsabilité des acteurs économiques dans un environnement de plus en plus industrialisé. Les deux philosophes ne s’accommodent donc pas de la réalité sociale telle qu’elle est car, préviennent-ils « il est caricatural de supposer qu’insister sur le caractère social de la morale revient à se satisfaire pleinement de l’état de choses actuel ». Mais plutôt que de chercher à le contester ou à le renverser, ils préfèrent identifier les problèmes qu’il pose : « Puisque le système actuel a toutes les chances de perdurer, il est d’autant plus important de voir comment quelques-uns de ses défauts les plus criants pourraient être corrigés, au moins en partie, notamment le gaspillage et les injustices ». Une Éthique aussi réaliste que visionnaire donc, pour une philosophie qui se montre soucieuse d’accompagner les transformations d’un monde qui change.

 

Éthique, de John Dewey et James Hayden Tufts, vient de paraître chez Gallimard, coll. NRF, dans une traduction de P. Di Mascio. 544 p., 32€ en format physique, 22,99€ en édition numérique, disponible ici.

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