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Le théologien et théoricien de la non-violence en Islam Jawdat Saïd, lors d’une réunion d’opposants syriens à Damas, en 2011. © Louai Beshara/AFP

Disparition

Jawdat Saïd, le Gandhi syrien

Octave Larmagnac-Matheron publié le 10 février 2022 4 min

Défenseur d’un islam radicalement non violent, figure tutélaire de la révolution syrienne de 2011, le penseur et théologien Jawdat Saïd est décédé le 30 janvier dernier. Ce « Gandhi syrien », lecteur entre autres de Foucault, laisse derrière lui une riche oeuvre d’exégèse coranique mise au service d’un humanisme profond, qui influence et continuera certainement d’influencer des générations de militants. Retour sur un parcours engagé.

 

  • Jawdat Saïd nait dans le village de Beer Ajam sur le plateau du Golan, en Syrie, le 9 février 1931. C’est en Égypte qu’il se forme intellectuellement à partir de 1946. Il y découvre notamment la pensée du philosophe algérien Malek Bennabi, théoricien de la « colonisabilité », qui considère que la colonisation a été rendue possible par une déliquescence et une apathie des sociétés musulmanes, dont il espère une « renaissance ». Tout au long de son parcours, Jawdat Saïd conservera ce sens de l’autocritique qui incombe à tout homme, bourreau ou victime, et qui est pour lui le préalable de toute spiritualité authentique, débarrassée des « pollutions de nos nourritures intellectuelles ». Lecteur des grands penseurs d’un renouveau de l’islam comme ʿAbd al-Raḥman al-Kawākibī ou Mohamed Iqbāl, il s’enthousiasme pour la création nassérienne de la République arabe unie (fusion de la Syrie et de l’Égypte en 1958), mais s’oppose activement à toute action militaire lors de l’implosion de l’État, trois ans plus tard. L’idée clef autour de laquelle s’articule son œuvre est déjà en germe : la non-violence (lā ʿunf, لا للعنف).
  • Le régime syrien se méfie de ce pacifiste, professeur à l’École supérieure de Damas. Saïd est emprisonné au début des années 1960. Il en profite pour affiner sa conception d’une non-violence enracinée dans l’exégèse coranique, et publie en 1964 son premier ouvrage, The Doctrine of the First Son of Adam Or The Problem of Violence in The Islamic Action. La non-violence est, explique-t-il, « la doctrine du premier fils d’Abraham », Abel, qui sera tué par son frère Caïn. Un épisode raconté par le Coran : « Si tu étends vers moi ta main pour me tuer, moi, je n’étendrai pas vers toi ma main pour te tuer : car je crains Allah, le Seigneur de l’Univers. Je veux que tu partes avec le péché de m’avoir tué et avec ton propre péché : alors, tu seras du nombre des gens du Feu. Telle est la récompense des injustes. Son âme l’incita à tuer son frère. Il le tua donc et devint ainsi du nombre des perdants. » Pour Saïd, c’est bien Abel qui sort victorieux, bien qu’il trouve la mort.
  • Telle est la leçon de la non-violence : combattre la violence par la violence, « C’est comme briser une vitre au lieu de la laver ». Telle est encore la leçon de Socrate qui accepta de boire la cigüe, ajoutera Saïd : « Socrate a défié la violence de ses adversaires par le courage et la force de la raison et de l’âme. Socrate non seulement méprisait leur violence mais se moquait également de celle-ci. » Comme il l’écrit : « Celui qui accepte la mort en refusant la contrainte et la violence en s’accrochant à sa propre la foi et à sa pensée, est selon moi un adepte du fils Adam. »
  • Saïd sera définitivement écarté de l’enseignement à la fin des années 1960. Il choisit de retourner à Beer Ajam, son lieu de naissance, et gagne sa vie comme apiculteur et agriculteur. Il continue, cependant, de jouer un rôle important dans la vie intellectuelle syrienne. Ses positions sont, dans une certaine mesure, une réponse à celles de Sayyid Quṭb, qui prône un djihad violent pour vaincre l’incroyance, et à la diffusion du wahhabisme en Syrie. Pour Saïd, au contraire, « le Coran procure la liberté de penser ». Il insiste :

“La mécréance ne fait pas l’objet d’un châtiment dans la vie ici-bas. Le mécréant et le croyant ont les mêmes devoirs et les mêmes droits. La justice coranique est universelle. Le Coran interdit […] d’être injuste envers un non-croyant, quelle que soit sa pensée. […] Personne n’a le droit d’imposer ses idées, son idéologie, son dogme, par la contrainte et la violence. […] Une vraie religion révélée ne contraint point”

Jawdat Saïd (1931-2022)

  • Toute une génération de jeunes Syriens sera influencée par l’approche de Saïd. Les chebabs de la ville de Daraya, notamment, sous l’impulsion de l’imam réformateur local Abd al-Akram al-Saqqa. Si la critique du gouvernement est encore implicite, cette génération de réformistes jouera un grand rôle dans la révolution syrienne de 2011, à travers le Mouvement syrien pour la non-violence. Saïd lui-même participera à la contestation. S’il prône la non-violence, il ne prône en aucun cas la passivité, mais une résistance pacifique, un refus de faire allégeance aux pouvoirs tyranniques. En 2005, il signe la déclaration de Damas, qui réclame une démocratisation du pays. En avril 2011, il participe au rassemblement populaire devant la Douma, l’Assemblée nationale, avant de s’exiler en Turquie, où il passera les dernières années de sa vie.
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