Jan Sokol, le philosophe dissident
« La social-démocratie a un “boulevard”. […] L’accès à ce boulevard passe par une nouvelle place, au cœur de nos villes. Donnons-lui son nom. C’est la place Jan Sokol, en Europe. » C’est par ces mots que le philosophe Frédéric Worms rendait récemment hommage dans Libération, à son confrère tchèque, disparu le 16 février dernier. Jan Sokol est peu connu en France – et quand il l’est, c’est d’abord pour son rôle dans la dissidence tchèque contre la dictature communiste, et pour son combat politique pour la social-démocratie qui le fit nommer ministre de l’Éducation de la République tchèque. Il fut, pourtant, aussi, un philosophe d’envergure, convaincu que la pensée n’est pas grand-chose si elle ne s’engage pas dans le monde, dans la communauté humaine.
Découvrons-le !
- Jan Sokol a eu plusieurs vies avant de devenir l’un des plus importants intellectuels tchèques : né en 1936 à Prague, il suit d’abord une formation d’orfèvre avant de se lancer dans des études de mathématiques et commencer, en 1964, un travail de programmeur informatique – son intérêt pour les ordinateurs et le numérique le suivra jusqu’à la fin de sa vie, au point qu’il deviendra un participant actif de l’encyclopédie collaborative Wikipédia.
- Ce versant technique, Sokol sut le concilier avec sa passion jamais démentie pour la philosophie – qu’il commence à enseigner en 1990. Ses lectures sont déjà une forme de dissidence, intellectuelle : au matérialisme dialectique d’un régime communiste athée qui ne pense qu’à l’économie, Sokol oppose le personnalisme d’Emmanuel Mounier, le spiritualisme de Bergson, l’éthique des penseurs juifs Franz Rosenzweig et Emmanuel Levinas, l’existentialisme de Gabriel Marcel ou encore la phénoménologie, qu’il découvre par le biais de son beau-père, Jan Patočka, et qui explore la vie intime de la conscience.
- De ces lectures, Sokol tire une conviction : il faut défendre la singularité et la richesse de la personne humaine, contre toutes les forces qui tentent de l’écraser. Un engagement philosophique qui est, tout autant, politique : la philosophie n’est rien si elle ne nourrit pas l’action. En 1976, il est ainsi signataire de la Charte 77, une pétition de dissidents protestant contre le processus de « normalisation » par lequel les dirigeants communistes autoritaires tentent de reprendre en main la société civile. Un engagement que Patočka paiera, finalement, de sa vie.
- Après l’effondrement du régime communiste et les premières élections libres, Sokol est élu, en 1990, à la Chambre du peuple de l’Assemblée fédérale tchécoslovaque. Bien implanté dans le paysage politique, il devient ministre de l’Éducation en 1998, avant de perdre de justesse contre Václav Klaus dans la course à la présidentielle de 2003. Fervent défenseur de la social-démocratie et d’un humanisme pluriel, son héritage reste considérable en République tchèque.
Dissident contre la dictature communiste, ancien ministre de l’Éducation, le tchèque Jan Sokol est surtout connu pour ses combats politiques. Son…
Pour le philosophe tchèque Jan Patočka (1907-1977), il est trompeur de partir de soi et de l’endroit où l’on se trouve pour penser le monde qui s’étale devant nous. Mais sur quoi alors fonder notre expérience de l’espace ?
Philosophe tchèque articulant phénoménologie et morale, signataire et porte-parole de la Charte 77, il a défendu les libertés et les droits de l’homme au péril de sa vie.
Ai Weiwei. Never Sorry (lauréat du prix spécial au festival Sundance 2012), c’est l’histoire du surveillant surveillé, ou comment un activiste et…
Le communisme peut-il renaître au XXIe siècle? Le vingt-et-unième hors-série de Philosophie magazine, en kiosques dès le 27 février 2014, pose la…
C’est en solitaire que le Parti pirate a choisi de présenter 95 candidats lors du premier tour des élections législatives de 2022. Au-delà de la…
On peut donner deux sens au mot histoire : ce que l’homme a vécu, et le récit qu’il en fait. En tant que récit, l’histoire suppose l’écriture, dont l’invention marque le passage de la préhistoire à l’histoire. Tournée vers le passé,…
Si Hegel n’hésite pas à proclamer que l’Europe est la « fin de l’histoire universelle », cet idéal ambitieux et effrayant du début du XIXe siècle fait rapidement place à des voix plus inquiètes, de Nietzsche à Patočka,…