Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

La sociologue Irène Théry en 2019. © Ludovic Marin/AFP

Agressions sexuelles / Droit

Irène Théry : “Je suis favorable à la création d’un ‘crédit de véracité’ pour les victimes”

Irène Théry, propos recueillis par Octave Larmagnac-Matheron publié le 18 février 2021 3 min

Comment prouver la culpabilité de quelqu’un en l’absence de témoins ? La question se pose dans les affaires d’agression sexuelle, car elles se déroulent très souvent dans un cadre privé, à l’abri des regards. La sociologue Irène Théry s’insurge contre cette impuissance.

 

À vos yeux, il y a un usage dévoyé de la présomption d’innocence dans bon nombre d’affaires de violences sexuelles. Pouvez-vous expliquer ?

Irène Théry : Ce sont très souvent des « crimes sans témoins ». Du coup, selon la formule bien connue, c’est « parole contre parole ». Cela veut dire que la vérité ne sera jamais établie sur le plan judiciaire. Et c’est là que la présomption d’innocence joue en faveur du mis en cause : faute de preuves, il sera réputé non coupable et relaxé au bénéfice du doute. Je ne mets aucunement en cause la présomption d’innocence, qui est un acquis immense du droit démocratique. Mais, dans ces crimes sans témoins, elle est largement utilisée de manière machiste et dévoyée comme un blanc-seing donné aux agresseurs, qui alimente la mentalité du « pas vu, pas pris ». Et comme un soupçon porté a priori sur les plaignants, comme si le simple fait de dénoncer sans pouvoir prouver en faisait des personnes qui ne respectent pas le droit. Raison pour laquelle j’avais proposé, il y a dix ans, au moment de l’affaire DSK, de créer en leur faveur une « présomption de véracité ».

 

De quoi s’agit-il ?

L’expression avait un sens précis : la plaignante « n’est pas supposée mentir jusqu’à preuve du con­traire ». Ma proposition a suscité deux types de réactions. La plupart étaient idéologiques et venaient des milieux qui avaient volé au secours de DSK, en acceptant comme allant de soi la thèse du « pas vu, pas pris » et, partant, la formule atroce du « troussage de domestique ». J’ai laissé tomber. Mais une minorité provenait de gens sensibles à la cause de Nafissatou Diallo, la femme de chambre du Sofitel – et ces réactions étaient purement juridiques. En droit, la présomption d’innocence signifie que la charge de la preuve est à l’accusation. Avec deux présomptions face à face, on ne saurait plus qui a la charge de la preuve. J’ai entendu cet argument, bien sûr, car la charge de la preuve doit rester à l’accusation. C’est pourquoi je parle aujourd’hui de « crédit de véracité », qui signifie exactement la même chose sans ce problème. Le crédit de véracité implique que si l’accusé est acquitté au bénéfice du doute, il ne peut pas se retourner contre la victime en l’accusant de dénonciation calomnieuse. En fait, cette disposition est entrée dans le droit grâce à des luttes féministes dans le domaine du droit du travail, mais on ne le sait pas. Si l’on instituait clairement le crédit de véracité, alors un acquittement ne signifierait plus « elle a menti » mais « on n’a pas pu faire la preuve » : ce qui est très exactement le cas. Ce serait infiniment moins injuste.

 

D’autres innovations juridiques permettraient-elles de mieux prendre en compte la parole des victimes ?

Oui ! Les nouvelles générations féministes, celles qui portent #metoo, ont compris qu’il faut inventer de nouveaux outils pour mettre fin à l’impunité des coupables de ces crimes sans témoins. Des progrès pourraient se faire par la systématisation du « faisceau de preuves » concernant l’attitude publique ou ordinaire du mis en cause sur le plan sexuel, faisceau qui appuie la crédibilité des dires de la plaignante. C’est sur ce principe que s’est fondée l’enquête de Mediapart dans le cas de l’affaire Adèle Haenel. Cela ne met pas en cause la présomption d’innocence (d’où le devoir de porter plainte, comme l’a fait rapidement l’actrice) mais uniquement son usage dévoyé. Il y a aussi l’anticipation des problèmes de preuve : les téléphones portables sont une nouvelle arme pour les victimes. Souvenez-vous des atrocités enregistrées par la compagne du tueur de trois gendarmes qui étaient venus la secourir. Il va falloir faire de l’éducation à l’usage des enregistrements, mais surtout sans transformer les victimes en responsables de leur propre protection. Toute une réflexion collective serait nécessaire.

Expresso : les parcours interactifs
Jusqu’où faut-il « s’aimer soi-même » ?
S'aimer soi-même est-ce être narcissique ? Bien sûr que non répondrait Rousseau. L'amour de soi est un formidable instinct de conservation. En revanche, l'amour propre est beaucoup plus pernicieux...Découvrez les détails de cette distinction décisive entre deux manières de se rapporter à soi-même.
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Bac philo
2 min
La justice et le droit
Nicolas Tenaillon 01 août 2012

Si, étymologiquement, la justice et le droit sont très proches (jus, juris, qui donne l’adjectif « juridique »), la justice est aussi une catégorie morale et même, chez les anciens, une vertu. Nous pouvons tous être révoltés…


Article
2 min
Irène Théry : “Quelle vérité veut-on, peut-on, doit-on connaître ?”
Catherine Portevin 20 juin 2016

Décalogue 4, “Tu honoreras ton père et ta mère”, vu par Irène Théry.


Le fil
11 min
Irène Théry : “Il y a aussi une histoire féminine de #MeToo”
Caroline Pernes 24 octobre 2022

Cinq ans après #MeToo, quel bilan peut-on tirer du mouvement ? Nous avons posé la question à la sociologue Irène Théry, autrice de Moi aussi. La nouvelle…

Irène Théry : “Il y a aussi une histoire féminine de #MeToo”

Article
4 min
Irène Frachon. Le cri du care
Marine Le Breton 26 novembre 2014

[Mon cœur, adapté de la trajectoire d’Irène Frachon, est présenté au Théâtre des Bouffes du Nord (Paris) jusqu’au 1er avril 2017] Pneumologue…

Irène Frachon. Le cri du care

Article
3 min
Le couple, matière extensible
Catherine Portevin 09 juillet 2012

Selon la sociologue Irène Théry, chacun peut choisir sa façon de vivre à deux. C’est pourquoi, le couple redevient un idéal. À condition de parer…

Le couple, matière extensible

Article
5 min
Axelle Jah Njiké : “Je crois en un féminisme qui émancipe de l’intérieur”
Joséphine Robert 02 mai 2022

Axelle Jah Njiké, créatrice du podcast Me, My Sexe and I, prône l’émancipation par l’intime. Journal intime d’une féministe (noire) (Au diable…

Axelle Jah Njiké : “Je crois en un féminisme qui émancipe de l’intérieur”

Article
4 min
Le “mauvais sexe” : fatalité ou violence ?
Joséphine Robert 10 février 2022

Selon Katherine Angel, nos désirs résident dans l’ignorance. Alors comment peut-on affirmer notre consentement avant et durant un rapport sexuel…

Le “mauvais sexe” : fatalité ou violence ?

Article
2 min
Une cour d’appel refuse l’inscription du sexe neutre à l’état-civil
Cédric Enjalbert 23 mars 2016

[Actualisation: la Cour de cassation a refusé, jeudi 4 mai 2017, la mention “sexe neutre” sur l’état civil d’une personne intersexuée] La cour d…

Une cour d’appel refuse l’inscription du sexe neutre à l’état-civil

Article issu du magazine n°147 février 2021 Lire en ligne
À Lire aussi
Crimes sexuels : pour une présomption de véracité ?
Crimes sexuels : pour une présomption de véracité ?
Par Octave Larmagnac-Matheron
janvier 2021
Travailleurs du sexe
Travailleurs du sexe
Par Mathilde Lequin
octobre 2012
Justice restaurative. Réparer les victimes ?
Justice restaurative. Réparer les victimes ?
Par Margot Hemmerich
août 2018
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Irène Théry : “Je suis favorable à la création d’un ‘crédit de véracité’ pour les victimes”
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse