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Détail de l’illustration de couverture de “Immunitas. Protection et négation de la vie”, de Roberto Esposito. © Éditions du Seuil

Le livre du jour

“Immunitas. Protection et négation de la vie”, de Roberto Esposito

Catherine Portevin publié le 12 mars 2021 4 min

Confinement, vaccins, tests de dépistage, contamination, contagion, défenses immunitaires, distanciation sociale, masques de protection, virus, mutations, immunité collective, passeports sanitaires… Rarement le vocabulaire de l’immunité aura aussi fortement régi l’espace public. Le philosophe italien Roberto Esposito n’a pourtant pas attendu la pandémie de Covid-19 pour remarquer combien la question immunitaire était devenue « l’axe de rotation autour duquel tourne notre expérience individuelle et collective ». La traduction française de son livre Immunitas. Protection et négation de la vie (Seuil, coll. L’ordre philosophique, 2021), initialement paru en 2002 en Italie, arrive à point nommé pour éclairer les transformations sociales et politiques jusque là impensées. 

Esposito entreprend la généalogie de la notion d’immunité, depuis le droit romain jusqu’à la biopolitique contemporaine (et même jusqu’aux cyborgs), en passant par la théologie, la biologie et la médecine, l’anthropologie et la politique. Et il montre la profonde ambivalence de l’immunité, qui protège et menace à la fois puisqu’il s’agit d’absorber une part du mal, un corps étranger, pour se prémunir d’un mal plus grand. Le projet majeur de Roberto Esposito est au fond une réflexion sur la communauté, qui n’est fondée ni sur le semblable, ni sur la peur de la guerre de tous contre tous. Car à trop craindre l’infection, tout système immunitaire s’autodétruit.

 

  • L’immunité, enjeu majeur de notre temps. Quel est le point commun entre la lutte contre une pandémie, la répression d’une émeute, les murs érigés aux frontières contre l’immigration, le plan Vigipirate contre le terrorisme ou encore la neutralisation d’un virus informatique ? Tous ces événements se conçoivent et se vivent sur le mode de l’immunologie. Ce lexique a envahi toutes les sphères de la vie, individuelle et collective. Immunitas est le deuxième volet d’une réflexion entamée avec Communitas (PUF, 2000), où Roberto Esposito lie l’immunité et la communauté, qui partagent la même racine étymologique : munus, qui signifie en latin à la fois le don et le devoir. La communauté est ainsi liée par la loi du don et de la dette, mais aussi par le risque que comporte tout partage. Tandis que l’immunité concerne les membres qui se déclarent ou sont déclarés exemptés de ce partage : c’est la définition juridique de l’immunité. L’immunité est ce qui « prend à revers » le projet communautaire mais en même temps le fait exister. « Il n’existe pas de communauté dépourvue d’un type quelconque d’appareil immunitaire ».
  • Du politique au biologique, comment assimiler le négatif ? Dans l’ordre juridique et politique, la loi incarne les défenses immunitaires de la communauté contre la violence, celle des ennemis extérieurs comme celle de ses propres membres. Mais la loi, s’imposant par la force, exerce une part de la violence qu’elle prétend juguler. Tel est le principe immunitaire, qui n’est pas seulement une contre-force : il faut un mal mineur pour se protéger d’un mal majeur. D’où les représentations de la communauté politique comme un grand corps (représentations encore plus vivaces dans la théologie chrétienne). 
  • L’enjeu philosophique ? La grande question du négatif. L’immunité nous rappelle qu’on ne combat pas le mal radical par un bien absolu – le négatif, en ce sens, ne se surmonte pas ; on le neutralise à condition d’en assimiler préalablement une partie. Du domaine juridico-politique, la notion d’immunité a transité vers la médecine à partir du XVIIIe, pour culminer au XIXe siècle avec la découverte du vaccin antivariolique, puis la bactériologie de Pasteur et Koch. L’idée n’est plus seulement celle de la résistance de l’organisme face à la maladie, mais de sa résistance grâce à une partie de la maladie. Du domaine politique, la biologie importe une vision militaire et guerrière des défenses immunitaires. Et c’est le modèle médical qui à son tour, et de façon plus récente (Esposito signale la lutte contre le terrorisme après le 11 septembre 2001 comme le moment de bascule), tend à servir de métaphore aux politiques. C’est ainsi qu’un chef d’État peut dire : « Nous sommes en guerre », contre le terrorisme comme contre le virus. Roberto Esposito reprend également à Michel Foucault la notion de biopolitique pour constater que « la politique entre à plein titre dans le paradigme immunitaire lorsqu’elle assume la vie comme le contenu immédiat de sa propre action. » Immunitas est clairement un approfondissement fécond de la biopolitique moderne. 
  • Le modèle de la greffe et de la grossesse. Enfin, Esposito cherche une voie originale pour penser la tension entre l’immunité et la communauté de façon non guerrière en s’inspirant des expériences intimes de « corps étrangers » : celles de l’implant ou de la greffe (se rapprochant des travaux de Donna Haraway sur le cyborg ou de Jean-Luc Nancy à partir de sa propre transplantation cardiaque dans L’Intrus). L’expérience de la grossesse humaine en fournit le témoignage le plus fort. Car s’il y a bien lutte immunitaire, c’est précisément l’hétérogénéité génétique – et non la similarité – entre la mère et son bébé qui en favorise l’acceptation par le système immunitaire de la femme. Celui-ci n’a pas pour fonction de rejeter ce qui lui est étranger ; il est plutôt « le diaphragme à travers lequel la différence nous investit, et nous traverse, en tant que telle. »

 

Immunitas. Protection et négation de la vie, de Roberto Esposito, vient de paraître aux Éditions du Seuil. Vous pouvez vous le procurer ici.

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