Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Albert Camus pendant le tournage de l’émission “Gros plan” au théâtre Antoine, dans le Xe arrondissement de Paris, le 20 avril 1959. © Daniel Fallot/INA/AFP

Un classique éclaire le présent

Guerre : jusqu’où faut-il choisir un camp ?

Octave Larmagnac-Matheron publié le 08 mars 2022 4 min

Sommes-nous obligés de prendre position lors d’un conflit meurtrier ? Des Gafam à Israël en passant par l’ex-chancelier allemand Gerhard Schröder ou le chef d’orchestre russe Valery Gergiev, les incitations à « choisir son camp » se multiplient dans le sillage de la guerre en Ukraine. États, entreprises, personnalités publiques, sportifs et artistes : tous semblent concernés. Le bouleversement de la situation internationale produit par l’invasion russe ne laisserait d’autre possibilité que de choisir un camp : ne pas choisir, ce serait encore choisir. C’est également ce qu’expliquait Albert Camus dans Le Mythe de Sisyphe (1942), tout en avertissant sur les dangers d’une inféodation inconditionnelle.

 

  • « On ne nie pas la guerre. Il faut en mourir ou en vivre », écrit Camus dans Le Mythe de Sisyphe (1942). La guerre, tout absurde soit-elle, ne laisse pas le choix aux humains. Elle les enrôle, les contraint à agir, quelles que soient les circonstances. « Il vient toujours un temps où il faut choisir entre la contemplation et l’action, indique le philosophe. Cela s’appelle devenir un homme. Ces déchirements sont affreux. Mais pour un cœur fier, il ne peut y avoir de milieu. » Camus lui-même fit le choix de l’action, en s’engageant notamment dans la résistance à travers la revue Combat – une santé quelque peu fragile l’avait tenu éloigné de l’armée. « Conscient que je ne puis me séparer de mon temps, j’ai décidé de faire corps avec lui. […] Entre l’histoire et l’éternel, j’ai choisi l’histoire parce que j’aime les certitudes. D’elle du moins, je suis certain, et comment nier cette force qui m’écrase ? »
  • Mais ce choix de l’action, du combat, de la lutte n’est jamais, chez Camus, un embrigadement. Le combat n’a de sens que s’il est combat contre l’absurde de l’histoire, avant que d’être combat contre d’autres hommes. Alors seulement la lutte peut être un hommage « que l’homme rend à sa dignité dans une campagne où il est d’avance vaincu ». Alors seulement « le chemin de la lutte me fait rencontrer la chair » et me découvre le tragique de ma condition. Alors seulement, l’individu découvre qu’il « ne peut rien et pourtant […] peut tout ». « Sachant qu’il n’est pas de causes victorieuses, j’ai du goût pour les causes perdues : elles demandent une âme entière, égale à sa défaite comme à ses victoires passagères », ajoute Camus.
  • Le corps à corps avec l’absurde est à l’opposé de l’enrégimentement où l’individu se dissout dans un groupe et se met au pas d’une idéologie qui prétend délivrer le sens de l’histoire et transmuer la guerre en aventure. Or, précisément, « la guerre n’est pas une aventure », elle « est une maladie », un scandale sans fondement, comme le notait Saint-Exupéry dans Pilote de guerre (1942). Camus est du même avis. Il dénonce la mise en scène, l’esthétisation, la scénarisation de la guerre comme affrontement de groupes humains monolithiques. « “Il faut choisir son camp”, crient les repus de la haine », déplorait-il lors de la guerre d’Algérie. La sacralisation des camps et des causes menace toujours de devenir l’alibi des crimes, l’assise légitimant l’atrocité.
  • Ce danger du camp auquel il faut se tenir indéfectiblement est porté à son paroxysme dans l’hitlérisme, sur lequel revient longuement Camus : « Tous les problèmes sont […] militarisés, posés en termes de puissance et d’efficacité. Le général en chef détermine la politique et d’ailleurs tous les principaux problèmes d’administration. Ce principe, irréfutable quant à la stratégie, est généralisé dans la vie civile. Un seul chef, un seul peuple, signifie un seul maître et des millions d’esclaves. […] Quand tout le monde est militaire, le crime est de ne pas tuer si l’ordre l’exige. » Il faut donc résister contre ces déferlements de brutalité qui jaillissent, pour Camus, de la négation de l’individu incorporé dans un camp.
  • L’important est de ne pas prendre traits de l’ennemi, auquel cas le combat aura été mené pour rien. La guerre ne doit jamais devenir un but en soi, mais un moyen, le plus tragique qui soit, pour recouvrer la liberté. Dans l’une de ses Lettres à un ami allemand (1945), Camus le dit admirablement : « Depuis cinq ans, il n’est plus sur cette terre de matin sans agonies, de soir sans prisons, de midi sans carnages. Oui, il nous a fallu vous suivre. Mais notre exploit difficile revenait à vous suivre dans la guerre, sans oublier le bonheur. [...] C’était notre meilleure arme, celle que nous n’abaisserons jamais. Car le jour où nous la perdrions, nous serions aussi morts que vous. Simplement, nous savons maintenant que les armes du bonheur demandent pour être forgées beaucoup de temps et trop de sang. » C’est sur cette ligne de crête, entre l’horreur et son indispensable effacement, que se tient la guerre, même quand elle est juste.
Expresso : les parcours interactifs
Épicure et le bonheur
Pourquoi avons-nous tant de mal à être heureux ? Parce que nous ne suivons pas le chemin adéquat pour atteindre le bonheur, nous explique Épicure, qui propose sa propre voie. 
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
3 min
Peut-on sauver la Russie d’elle-même ? L'analyse engagée d’André Markowicz
Jean-Marie Durand 23 juin 2022

 « Il faudra bien que la Russie se retrouve face à elle-même. » En préfigurant la possibilité qu’un jour, la guerre en Ukraine dans…

Peut-on sauver la Russie d’elle-même ? L'analyse engagée d’André Markowicz

Bac philo
2 min
La liberté
Nicolas Tenaillon 01 août 2012

La liberté est d’abord une notion métaphysique : l’homme est-il libre ou déterminé par des contraintes qu’il ne maîtrise pas ? S’il est la cause première de ses choix, on dit qu’il possède un libre arbitre. Mais un tel pouvoir est…


Article
7 min
Sommes-nous des cobelligérants de la guerre en Ukraine ?
Nicolas Gastineau 19 mai 2022

Co-belligérance : « faire la guerre avec ». Ce terme désigne l’engagement direct d’un pays aux côtés d’un autre en guerre contre un…

Sommes-nous des cobelligérants de la guerre en Ukraine ?

Bac philo
2 min
Le devoir
Nicolas Tenaillon 01 août 2012

Que dois-je faire ? Cette question introduit à la morale et au droit. Le devoir désigne l’obligation à l’égard de ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Il se réfère au Bien (morale) ou à la Loi (droit), suppose une règle et s’adresse à…


Article
4 min
Vu de Moscou : “Les pro-guerre et les anti-guerre sont complètement désorientés”
Michel Eltchaninoff 09 mars 2022

En Russie, la loi du vendredi 4 mars dernier punit de 3 à 15 ans de prison toute « fausse information » sur les opérations russes…

Vu de Moscou : “Les pro-guerre et les anti-guerre sont complètement désorientés”

Article
4 min
À quoi servent les sanctions contre la Russie (et sont-elles efficaces) ?
Michel Eltchaninoff

Alors que les effets des sanctions occidentales contre la Russie peinent à se faire sentir de façon évidente, certains remettent en cause leur…

À quoi servent les sanctions contre la Russie (et sont-elles efficaces) ?

Article
7 min
Corinne Morel Darleux : “Le mythe de Sisyphe nous apprend qu’il y a une forme de sagesse à tirer de nos défaites”
Alexandre Lacroix 12 avril 2022

La politique est-elle à l’image du mythe de Sisyphe, un éternel, douloureux et vain recommencement ? C’est ce qu’a suggéré Jean-Luc Mélenchon…

Corinne Morel Darleux : “Le mythe de Sisyphe nous apprend qu’il y a une forme de sagesse à tirer de nos défaites”

Bac philo
5 min
Faut-il choisir entre égalité et liberté ?
Aïda N’Diaye 13 mai 2022

Analyse des termes du sujet « Faut-il » Est-il nécessaire ? Préférable ? Avons-nous l’obligation ? « choisir entre » Choix inclusif ou exclusif, préférer, hiérarchiser. « égalité » Égalité…


À Lire aussi
Marine Le Pen : le mélange des libertés
Marine Le Pen : le mélange des libertés
Par Octave Larmagnac-Matheron
septembre 2021
Menaces de la Russie sur l’Ukraine : vers une "attaque préventive" ?
Menaces de la Russie sur l’Ukraine : vers une "attaque préventive" ?
Par Michel Eltchaninoff
janvier 2022
Céline Spector : “La solidarité envers l’Ukraine est la preuve manifeste qu’il existe un peuple européen”
Céline Spector : “La solidarité envers l’Ukraine est la preuve manifeste qu’il existe un peuple européen”
Par Victorine de Oliveira
mars 2022
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Guerre : jusqu’où faut-il choisir un camp ?
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse