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Glacier de la Marmolada (Alpes italiennes), le 4 juillet 2022. Vue du glacier qui s’est effondré la veille sur la montagne la plus haute des Dolomites, en Italie, après qu'une température record de 10 degrés Celsius a été enregistrée au sommet du glacier, vers 2500 mètres d’altitude. © Pierre Teyssot/AFP

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Glacier de la Marmolada : le temps de la sidération

Octave Larmagnac-Matheron publié le 04 juillet 2022 3 min

Les vidéos, très impressionnantes, ont fait le tour d’internet : le glacier de la Marmolada en Italie a subi, ce dimanche 3 juillet, une rupture partielle entraînant un éboulement qui a coûté la vie à six personnes. Quelques randonneurs ont filmé la scène. Une manière de se réapproprier l’événement inattendu a posteriori, une fois passé le choc. Car, sur le moment, la sidération prédomine, et paralyse le jugement. Éclairage freudien.

 

 

  • C’était, en apparence, une journée ordinaire : au pied du glacier de la Marmolada, « la reine des Dolomites », les randonneurs curieux s’arrêtent le temps de prendre le pic enneigé en photo. Une journée ordinaire, si ce n’est pour la température : 10°C à plus de 2 500 mètres d’altitude (le sommet culmine à 3 300 mètres). En secret, la chaleur fait son oeuvre de fragilisation. L’eau s’accumule sous le glacier jusqu’au point de rupture. Soudain, des tonnes de glace et de roches se détachent et dévalent la pente à plus de 300 km/h. En un instant, la scène change de visage. La beauté nue du paysage, l’assise tranquille et immobile de la montagne est déchirée par l’éboulement inattendu. A posteriori, le sens de l’événement crève les yeux : une conséquence du réchauffement climatique. Mais dans l’instant du choc, le jugement se trouve comme engourdi, paralysé, tétanisé par la surprise. Il ne sait plus quoi penser. Quelque chose se soustrait, brutalement, à sa compréhension. Le regard est sidéré, littéralement : la collision avec une « chose inintelligible, incompréhensible, énigmatique », une chose qui refuse de faire sens, comme le dit Freud dans Le Mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient (1905).
  • Avant de prendre le sens que nous lui connaissons aujourd’hui (« saisissement causé par un grand étonnement, un choc émotionnel qui prive une personne de ses moyens physiques et intellectuels »), la sidération en possédait deux autres. Un sens médical, d’abord : la « suspension brusque des fonctions vitales (respiration et circulation) », et plus originellement encore : « Nécrose, gangrène ». L’homme sidéré se rigidifie, se fige. Il est arrêté, stoppé, bloqué, au niveau même de ses fonctions organiques et psychiques les plus primitives. Happé par l’événement dont il ne peut détourner son regard, cloîtré dans l’instant, il n’est plus capable de se projeter au-delà – en particulier, de désirer, de-sidere, mouvement par lequel, précisément, il s’agit d’échapper à la sidération. Là où il dominait le monde du regard, là où il en saisissait l’ordre, l’homme sous le coup de la sidération se trouve radicalement dépossédé : comme un éclair, le chaos aveuglant surgit et fait vaciller les solides soubassements et la constance de la Terre. Les points de repères s’effondrent. L’ordre harmonieux des apparences vole en éclat. L’individu perd ses moyens. Il est comme dévoré par cet ébranlement chaotique qui « gangrène » son corps et son esprit sans aucune possibilité de contrôle.
  • Cette pénétration par le monde est encore soulignée par l’autre sens historique du mot : « Influence subite exercée par un astre sur le comportement d’une personne, sur sa vie, sur sa santé ». L’homme prisonnier de la sidération est le jouet des sidera, des étoiles. Plus généralement : des phénomènes naturelles qui se dérobent à toute emprise, en dépit de ses tentatives de maîtrise et de compréhension. Le sidéré est reconduit à un état de pure réceptivité, semblable à un état végétatif. Dans le vocabulaire agricole, on parle d’ailleurs de « plantes sidérales » qui « ont la propriété de prélever, grâce au soleil, l’azote de l’air, et de le fixer sur leurs racines » et sont utilisée comme engrais. N’est-ce pas, dans une certaine mesure, l’état qui est à nouveau le nôtre à l’heure de la catastrophe climatique : nous nous découvrons tributaires de ce climat que nous pensions contrôler ? La catastrophe (« bouleversement », littéralement) climatique, pour être déjà en cours, a ceci de particulier qu’elle se déploie sur une temporalité trop diffuse, trop lente, pour que nous puissions en faire l’épreuve dans son ensemble sous le mode de la sidération. Mais elle se manifeste néanmoins dans des événements sidérants de plus en plus nombreux, qui sonnent comme autant d’alarmes. Sidérant au sens presque littéral : car c’est bien un astre – le Soleil – qui, combiné aux effets de l’activité humaine, a provoqué la rupture du glacier de Marmolada.
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