Gérald Garutti : “Tout dialogue n’est pas forcément un débat furieux”
Philosophe et metteur en scène, Gérald Garutti est aussi le fondateur et directeur du Centre des arts de la parole (CAP), récemment créé à Aubervilliers. Il réunit des figures de l’art et des sciences humaines autour d’une conviction : on peut apprendre à mieux se parler.
Dans quelle mesure la parole est-elle un art ?
Gérald Garutti : Parler et porter une parole n’est pas la même chose. Parler est une fonction humaine de communication. Porter la parole, c’est déployer toutes les dimensions de l’humain, par une sublimation de l’instrument. Malraux aurait eu cette phrase : « Faire connaître aux hommes la grandeur qu’ils ignorent en eux. » Cela s’élabore dans la parole même.
Quels sont ces arts ?
Je considère qu’il existe sept « piliers » de la parole. Parmi eux, trois arts de la création. La parole se conçoit et se formule ainsi avec la poésie, qui fait advenir le monde. Elle se raconte avec le récit, qui forge une histoire ainsi qu’une conscience. Elle s’incarne et s’adresse avec le théâtre. Puis deux arts de la transmission : la parole vise à convaincre et à persuader avec l’éloquence ; et elle transmet des savoirs subjectifs avec la conférence, sans se résumer à un simple combat d’opinions sophistiques. Et deux arts de l’interaction : la parole s’échange avec le dialogue, elle se confronte avec le débat. On parlait au Moyen Âge d’arts libéraux pour désigner la géométrie, l’arithmétique, la musique, l’astronomie, la grammaire, la rhétorique et la dialectique. Je parlerais ici plutôt d’arts « libérateurs ». Ils ne constituent pas le domaine réservé de quelques puristes attachés à l’accent circonflexe : de l’exercice de la parole dépend la revalorisation de l’humanité. Ce n’est pas un hasard si le théâtre, la philosophie et la démocratie naissent en même temps, comme trois formes dialogiques.
De quoi l’usage de la parole souffre-t-il ?
L’un des problèmes contemporains est la réduction de la parole à l’éloquence, de l’éloquence à la performance et de la performance à l’impact. C’est ce que j’appelle la conception « balistique » de la parole. Elle consiste à émettre un message prenant autrui pour cible. Ce que l’on nomme la prise de parole en public est bien souvent une prise de public en parole. Cette conception réductionniste de l’éloquence aboutit à une objectivation de l’autre. Mais, à l’inverse, il existe une parole subjectivante, qui fonde un espace commun à partir de nos différences. Cela suppose cependant un certain nombre de règles éthiques et techniques, à commencer par le primat de l’écoute. On peut avoir des désaccords, mais tout dialogue n’est pas forcément un débat furieux.
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