Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

L'ancien président américain George W. Bush, le 11 septembre 2021. © Mandel Ngan/AFP

C’est dans la tête ?

George W. Bush et sa gaffe sur l’Irak : ce que révèlent les lapsus

Nicolas Gastineau publié le 24 mai 2022 4 min

« La décision d’un seul homme de lancer une invasion brutale et injustifiée de l’Irak… Pardon, de l’Ukraine. » C’est l’immense gaffe commise par l’ancien président américain George W. Bush, dans son discours sur la guerre en Ukraine le 18 mai 2022. Il visait Vladimir Poutine mais s’est involontairement accusé lui-même, tout le monde ayant à l’esprit l’invasion américaine de l’Irak dont il fut initiateur en 2003.

Faut-il accorder un quelconque crédit à ce lapsus (du latin « glissade ») ? Oui, répondrait sans doute Sigmund Freud. Dans sa Psychopathologie de la vie quotidienne (1901), le fondateur de la psychanalyse affirme qu’une langue qui fourche est la manifestation d’un conflit intérieur entre l’intention consciente, celle qui ordonne le discours et réprime les pulsions, et une intention inconsciente qui échappe momentanément au contrôle du sujet.

L’occasion de questionner le refoulé qui remonte à la surface avec ce magnifique lapsus de George W. Bush ?

 

Le lapsus est signifiant

Dans son Introduction à la psychanalyse (1917), Sigmund Freud s’attarde sur « les phénomènes que nous désignerons par le nom générique d’actes manqués et qui se produisent lorsqu’une personne prononce ou écrit, en s’en apercevant ou non, un mot autre que celui qu’elle veut dire ou tracer (lapsus) ». Il s’oppose fermement à ceux qui croient que le lapsus est une simple erreur qui ne dit rien de celui qui le prononce, qui trahit un simple état de fatigue ou un problème moteur – qu’en un mot, le lapsus serait insignifiant. Se pourrait-il « qu’il existe des événements négligeables, se trouvant en dehors de l’enchaînement de la phénoménologie du monde et qui auraient pu tout aussi bien ne pas se produire ? » Puisque le lapsus est advenu, croit Freud, c’est donc bien qu’il veut dire quelque chose. Reste à savoir quoi. Le philosophe autrichien décide d’accorder une place importante à l’investigation des actes manqués pour sa discipline naissante, car c’est précisément l’aspect involontaire du lapsus, apparemment minuscule et fortuit, qui en fait un matériau idéal : la psychanalyse aime travailler sur ces « rebut[s] du monde phénoménal », le rêve ou le lapsus, ces petits signes étranges, émis malgré nous et qui nous trahissent.

 

Le lapsus comme manifestation de l’inconscient

Freud affirme que les lapsus « ne sont pas des accidents, mais des actes psychiques sérieux, ayant un sens, produits par le concours ou, plutôt, par l’opposition de deux intentions différentes ». Pour comprendre ces deux intentions, il faut rappeler que dans la psychanalyse freudienne, le sujet est divisé en trois royaumes, le Ça, le Surmoi et le Moi. Le Ça est le lieu de nos pulsions, de nos désirs inavouables, un espace confus dans les profondeurs de l’inconscient que régule le Surmoi, sorte d’instance de contrôle qui permet de filtrer les désirs et de ne laisser surgir dans la parole consciente, le Moi, que ce qui est conforme à la norme. Le psychisme est donc le théâtre d’un conflit entre le Ça, qui veut satisfaire ses pulsions, et le Moi, qui doit se conformer aux normes. Quand un lapsus advient, c’est qu’il y a un dysfonctionnement dans ce rapport de forces, une pulsion refoulée a échappé à la vigilance de la conscience, illustrant la célèbre formule de Freud : « Le moi n’est pas maître dans sa propre maison. »

 

Ce que l’inconscient de Bush voulait dire

C’est pourquoi on entend souvent parler d’un lapsus révélateur. À suivre Freud, le lapsus ne dit pas quelque chose d’absurde ou d’incohérent, il dit ce que nous ne voulions justement pas dire, mais que nous désirions pourtant inconsciemment dire. Freud affirme que « le refoulement d’une intention de dire quelque chose constitue la condition indispensable d’un lapsus ». Autrement dit, George W. Bush entendait parler de l’Ukraine, mais quelque part au fond de lui, quelque pulsion secrète et jusqu’alors refoulée voulait parler d’Irak. Les mots qu’il employait à propos de Poutine correspondaient presque trop bien à son propre cas pour qu’il réalise une association inconsciente. L’ancien président a fait face à des critiques constantes sur l’invasion militaire américaine en Irak de 2003, décidé dans un sursaut patriotique après les attentats du 11 septembre 2001, sans l’approbation de la communauté internationale et sur un motif fallacieux. Le rapport des services secrets l’attestant a déjà été rendu public. L’inconscient de ce chrétien « born again » brûlait-il lui aussi, à son tour, de l’avouer à la face du monde ? Nul ne le sait. Il n’est jamais aisé d’interpréter les signes de l’inconscient, car ils sont d’obscurs messagers : ils avancent « déguisés », soutient Freud. La seule chose dont on peut être certain, c’est que dix-neuf ans après, l’invasion de l’Irak continue d’obséder celui qui l’a ordonnée – et que, du fond de son inconscient, il rêverait de nous en dire plus.

Expresso : les parcours interactifs
L'étincelle du coup de foudre
Le coup de foudre est à la charnière entre le mythe et la réalité. Au fondement du discours amoureux, il est une expérience inaugurale, que l'on aime raconter et sublimer à l'envi.
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
8 min
Georges Nivat : “Chaque jour, l’Ukraine existe davantage”
Georges Nivat 19 mars 2022

Historien de la Russie et du monde slave, auteur notamment d’un livre-somme, Les Sites de la mémoire russe (Fayard, 2007, 2019), Georges…

Georges Nivat : “Chaque jour, l’Ukraine existe davantage”

Article
9 min
Céline Spector : “La solidarité envers l’Ukraine est la preuve manifeste qu’il existe un peuple européen”
Victorine de Oliveira 08 mars 2022

Elle semblait définitivement appartenir aux livres d’histoire, mais depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février, la guerre a fait…

Céline Spector : “La solidarité envers l’Ukraine est la preuve manifeste qu’il existe un peuple européen”

Article
7 min
Sommes-nous des cobelligérants de la guerre en Ukraine ?
Nicolas Gastineau 19 mai 2022

Co-belligérance : « faire la guerre avec ». Ce terme désigne l’engagement direct d’un pays aux côtés d’un autre en guerre contre un…

Sommes-nous des cobelligérants de la guerre en Ukraine ?

Article
5 min
Kate Bush, l’inactuelle
Victorine de Oliveira 23 juillet 2022

Tout au long de sa carrière, la musicienne britannique Kate Bush n’a cessé d’expérimenter, tant sur scène que sur la console de son studio d…

Kate Bush, l’inactuelle

Article
3 min
Irak. La rupture de mister Anti-Chaos
Sarah Galer 01 octobre 2012

Le général David Petraeus, chef des forces armées en Irak, veut rompre avec la culture militaire américaine et donne la priorité à la protection de la population. Mais la stratégie de ce gradé intellectuel arrive trop tard pour enrayer…


Article
3 min
Constantin Sigov : “Ce qui se joue en Ukraine, c’est la défense de la vérité”
Sophie Gherardi 10 janvier 2023

Alors que la guerre en Ukraine semble être partie pour durer, le philosophe et éditeur ukrainien Constantin Sigov, qui vient de faire paraître Le…

Constantin Sigov : “Ce qui se joue en Ukraine, c’est la défense de la vérité”

Article
7 min
Slavoj Žižek : “Rumsfeld s’est lancé, en amateur, dans une petite philosophie des relations entre le connu et l’inconnu”
Slavoj  Žižek 06 juillet 2021

L’inconnu est le principal problème auquel les sociétés contemporaines sont confrontées : tel est la leçon, selon Slavoj Žižek, de l’ancien…

Slavoj Žižek : “Rumsfeld s’est lancé, en amateur, dans une petite philosophie des relations entre le connu et l’inconnu”

Article
1 min
Paroles d’honneur. Quand la parole de la femme marocaine se libère
05 juillet 2021

Parmi les événements proposés par ce festival qui unit depuis dix ans musique et philosophie (lire p. 92), nous vous proposons d’assister à la…

Paroles d’honneur. Quand la parole de la femme marocaine se libère

À Lire aussi
George Bush pris dans un piège abscons
Par Frédéric Joignot
septembre 2012
Le philosophe qui inspire Obama
Par Michel Eltchaninoff
septembre 2012
Séries : Maison-Blanche et machiavélisme
Par Marius Chambrun
septembre 2022
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. George W. Bush et sa gaffe sur l’Irak : ce que révèlent les lapsus
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse