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Image non datée fournie par OceanGate Expeditions montrant le submersible actuellement porté disparu, le “Titan”, mis à l’eau à partir d’une plateforme. © OceanGate Expeditions/AFP

Fragile “Titan”

Victorine de Oliveira publié le 21 juin 2023 4 min

« Au moment où ces lignes sont publiées, il leur reste moins d’une journée d’oxygène. Nous sommes nombreux à suivre depuis sa disparition dimanche le sort de ce petit submersible, le Titan, parti explorer l’épave du Titanic par presque 4 000 mètres de profondeur avec cinq personnes à son bord. Si l’effet compte à rebours n’y est sans doute pas pour rien, l’ombre qui plane en arrière-plan, celle du plus célèbre des paquebots, ajoute encore à la fascination. Mais pourquoi les épaves nous attirent-elles autant, au point de débourser, dans le cas de ces passagers, richissimes hommes d’affaires pour la plupart, 250 000 dollars l’aller-retour ?

Pour explorer une relique sous-marine, il faut d’abord réussir à la localiser. Nombre d’épaves supposent donc une recherche, qui participe de sa légende, de son mystère. Le Titanic nous passionnerait-il autant s’il ne s’était pas abîmé au fond des abysses, là où aucune lumière ne parvient, dans une eau aussi noire que l’espace au-dessus de nos têtes ? Disparu dans la nuit du 14 au 15 avril 1912, son épave n’a été retrouvée qu’en 1985, après une longue exploration de la zone du naufrage, mobilisant des technologies inédites – depuis, chaque descente relève encore de la prouesse technique. Les toutes premières images de l’épave ont quelque chose du dévoilement : ce que l’on prenait pour un fantôme, une chimère, devient réalité, encore plus fantastique et spectaculaire que tout ce que les explorateurs avaient pu imaginer. Objet de rêves et de fantasmes pendant plus de 70 ans, l’épave retrouve sa dimension tragique de tombeau, où des traces de vie, parfois même d’un luxe inouï, témoignent tout autant de la violence de la catastrophe que de son absurdité.

Une épave a ceci d’incongru qu’elle n’aurait jamais dû se retrouver là, encore moins par 3821 mètres de profondeur, au large de Terre-Neuve, l’une des zones les plus difficilement accessibles de l’océan Atlantique. Contrairement aux ruines formées par des édifices, le bâtiment sinistré n’appartient pas à son environnement et n’a pas du tout été conçu pour s’y intégrer. Et pourtant, presque de force, il en devient un élément clé. De récents scans de l’épave publiés il y a un mois montrent avec une précision étonnante et jusque-là inégalée à quel point l’ancien paquebot, en se désagrégeant petit à petit sous l’effet de bactéries grignoteuses de métal qui forment les fameuses rusticles, est désormais partie prenante du paysage sous-marin.

C’est au point que les épaves deviennent à elles seules de véritables écosystèmes qui accueillent une vie parfois grouillante. Celle du Titanic a même sa propre bactérie, apparue sur l’épave justement du fait des conditions extrêmes et de la rencontre inopinée d’artefacts humains avec un environnement qui n’aurait jamais dû en recueillir. Découverte en 2010 et baptisée Halomonas titanicae, cette bactérie n’existe nulle part ailleurs que sur les restes du Titanic. Ces micro-organismes, invisibles à l’œil nu, sont désormais les seuls à jouir ironiquement du “plus grand paquebot de tous les temps”, comme l’appelait la presse de l’époque.

Car enfin, le naufrage du Titanic est également une histoire d’hubris. Folie des grandeurs, démesure, symbole d’un monde qui courait à sa perte à la veille de la Première Guerre mondiale, le navire et ses moins de 2 000 passagers – une broutille par rapport à ce que transportent aujourd’hui la plupart des ferries – incarnaient un optimisme béat face à l’avenir, rapidement brisé. Si James Cameron consacre presque la moitié de son célèbre film de plus de trois heures à montrer des plans de destruction de ce qui auparavant suscitait l’éblouissement, ce n’est pas un hasard : une épave est avant tout la trace d’une tentative, celle d’apprivoiser, voire conquérir, un environnement qui restera toujours hostile, imprévisible et dangereux. Le poète Luís de Camões (1524-1580), via le personnage du monstre Adamastor, prévenait déjà dans ses Lusiades, pourtant un long poème à la gloire des navigateurs portugais : “Vous arrachez à la nature des secrets que ni la science ni le génie n’avaient pu encore lui ravir ! Eh bien, mortels téméraires, apprenez les fléaux qui vous attendent sur cette plage orageuse et sur les terres lointaines où vous allez porter vos fureurs. Malheur au navire sacrilège assez hardi pour s’élancer sur vos traces ! Je déchaînerai contre lui, j’armerai les vents et les tempêtes. Malheur à la flotte qui, la première après la vôtre, viendra braver mon pouvoir ! À peine aura-t-elle paru sur mes ondes, qu’elle sera frappée, dispersée, abîmée dans les flots.” »

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