L’écoféminisme de Françoise d’Eaubonne
Figure singulière et méconnue du féminisme français, la femme de lettres et militante Françoise d’Eaubonne (1920-2005), née Françoise Marie-Thérèse Piston d’Eaubonne, est l’une des pionnières de la pensée écoféministe. Redécouvrons ensemble les grandes lignes de sa vie et de son œuvre.
Écoféminisme ?
C’est probablement Françoise d’Eaubonne qui invente le terme en 1974 (l’année où René Dumont, premier candidat écologiste, se présente à la présidentielle) dans Le Féminisme ou la mort (aujourd’hui réédité chez Le Passager clandestin, 2020). L’ouvrage – le plus marquant de son auteur – est le fruit d’une réflexion élaborée notamment au sein du groupe « Écologie et féminisme », une section du Mouvement de libération des femmes (MLF) que d’Eaubonne anime. Sa prise de conscience de la crise environnementale est en partie liée à la question du nucléaire, contre lequel elle milite activement. Dans un style provocateur qu’il ne faut évidemment pas prendre à la lettre mais qui est significatif de sa vision du féminisme, elle n’hésite pas à appeler les femmes, pour renverser la domination masculine, à commettre un attentat contre une centrale nucléaire ! « Les femmes sont à l’avant-garde du refus du nucléaire, qui n’est autre que le dernier mot de cette société bâtie sans elles et contre elles », écrit-elle. « Le problème de la révolution lui-même passe au second plan devant l’urgence écologique. Le prochain acte réellement révolutionnaire sera l’attentat contre une centrale nucléaire en construction. »
Imaginaire
Le ton est donné : d’Eaubonne est une radicale, qui ne fait pas toujours dans la dentelle. Son approche écologique dépasse, cependant, très largement la seule question du nucléaire : tout l’enjeu de son oeuvre est de chercher à montrer que l’exploitation patriarcale des femmes et la destruction de la nature seraient des phénomènes intimement liés, et que l’on ne peut lutter contre l’un sans combattre l’autre. Pas d’écologie sans féminisme, et réciproquement. Ce lien est, en premier lieu, historique, et c’est pourquoi l’oeuvre de Françoise d’Eaubonne plonge, de manière récurrente, ses racines dans les limbes de la préhistoire, afin de déceler le point de bascule, de renversement où se serait inauguré la double exploitation – la matrice fondamentale de toute exploitation. La contre-histoire qu’elle élabore est sans doute discutable, inexacte, et même fausse. Le récit qu’elle construit tient parfois du mythe, où se croisent des personnages en partie fantasmés de l’Amazone, de la sorcière, de la femme néolithique. Est-ce une raison pour ne pas s’y plonger ? Au contraire – en particulier si vous avez à cœur de comprendre le pourquoi du comment de certains militantismes féministes radicaux d’aujourd’hui. Car ces motifs mythiques auxquels l’écrivaine a conféré un sens nouveau continuent d’imprégner profondément l’imaginaire contemporain, et celui des penseuses écoféministes en particulier.
« Écoféminisme » : le terme est de plus en plus présent, dans le discours militant comme dans la pensée écologique. C’est ainsi sous ces…
Depuis 1918, le vocable d’« ultragauche » a toujours et d’abord servi à désigner une certaine frange de l’extrême gauche anticapitaliste…
L’anthropologue Françoise Héritier est morte, ce mercredi 15 novembre 2017. Militante féministe, elle avait écrit de nombreux essais sur la…
La psychologue Françoise Sironi a longtemps travaillé avec des victimes de tortures avant d’être chargée de l’expertise de Douch, le responsable du camp khmer rouge S-21 à Phnom Penh. Elle met au jour le mécanisme grâce auquel le mal s…
« Vous allez voir, je vais déjouer le match ! » : la prophétie de Sandrine Rousseau pourrait-elle se réaliser ? Si elle n’est pas…
Pour imaginer des alternatives au réchauffement climatique, les esprits bouillonnent. Panorama des pistes envisagées, de l’écocapitalisme à la décroissance et l’écoféminisme.
À la croisée de l’écoféminisme, de l’intersectionnalité et de la pensée décoloniale, la philosophe Isabelle Stengers décèle des liens intimes entre la destruction de la nature par le capitalisme, la domination des femmes dans le système…
Dans “La Tentation radicale. Enquête auprès des lycéens”, Olivier Galland et Anne Muxel ont mené une enquête afin de mesurer le degré de…