Fin de vie : un état des lieux

Un rapport publié lundi 18 mars par l’Observatoire national de la fin de vie indique par exemple que 81% des Français disent vouloir mourir chez eux. Or, nous ne sommes dans les faits que 25,5 % à finir nos jours à domicile, un domicile considéré comme un lieu « moins déshumanisé » que l'hôpital.

Lire aussi : Vieillesse en face, les défis de la dépendance et Éthique à l’hôpital

Cet état des lieux sur les conditions de la fin de vie étaye une série de rapports commandés récemment par le gouvernement afin de reprendre le projet de loi sur la perte d’autonomie, lancé en 2011 par le précédant gouvernement avant d’être abandonné. Il recouvre des questions de société comme de santé, de prévention comme d’adaptation, considérant ainsi :

• la conformité « des logements, des villes et des territoires » avec le vieillissement de la population – la barre des 2 millions de personnes dépendantes devrait être passée en 2040 –, suggérant par exemple de créer des quotas de logements aménagés pour sortir les personnes âgées de leur « ghetto médico-social ».

• l’anticipation du vieillissement « pour mieux dépister et traiter les fragilités » et la prévention de la dépendance – dont les dépenses s’élèvent aujourd’hui à 34 milliards d’euros.

• les situations comparables en Europe afin d’identifier les « bonnes pratiques innovantes dans les autres pays ».

Parmi ces bonnes pratiques, la nécessité de penser à nouveaux frais la solidarité nationale et les responsabilités individuelles, en prenant en compte  la fatigue des « aidants » – 4,3 millions de Français soutiennent un proche dépendant ; parmi eux, 40 % se disent dépressifs.  

Reconsidérer la dépendance, reconfigurer la question de la dignité et revoir les formes de solidarités : ce programme philosophique est partagé par Corine Pelluchon, spécialiste d’éthique appliquée défendant une culture du « soin », attentive à la capacité des personnes âgées « à formuler des désirs et des valeurs, ces dernières impliquant un sentiment d’estime de soi. Ensuite à pouvoir traduire ses idées et ses valeurs dans ses actes, à les exprimer et à être compris » à travers « des activités susceptibles de correspondre à ses désirs, sans se substituer à elle, ni combler sa vacance, mais en soutenant son autonomie ».

Afin de soutenir cette autonomie, il convient de promouvoir l’innovation technique et architecturale. Car le logement et l’habitat ne doivent pas demeurer les angles morts des politiques publiques de l’âge. Un constat partagé par le philosophe Pierre-Henri Tavoillot dans une enquête sur la dépendance, menée par Philosophie magazine en février 2012.

Pour lui : « L’aide aux aidants naturels est fondamentale. L’amour ne suffit pas. Plus encore, celui qui aime trop, aide mal : nos parents sont habités par nos souvenirs, des fantômes nous hantent, qui nous entravent. La solidarité familiale doit s’élargir à la solidarité sociale et nationale. […] Avoir des moyens de bien vivre ne suffit pas, il faut aussi nourrir de bonnes raisons de vivre, en évitant l’isolement. Des communautés se forment, où l’on se réunit pour s’inventer un « village » en prévision du grand âge, les gérontotechnologies se développent, on invente des robots assistants… La vieillesse est devenue le nouveau lieu de l’utopie. »

Demeure enfin la question complexe de l'euthanasie, de plus en plus acceptée par les Français. Pourtant rétif à toute légalisation de la pratique, le Conseil de l’ordre des médecins s’est prononcé le 14 février dernier pour une légère évolution de la loi sur la fin de vie, envisageant le recours à une « sédation terminale » dans des « situations exceptionnelles »... n'allant ni dans le sens d'une plus grande clarté ni jusqu'à en faire une «bonne pratique».

Lire aussi: Mourir, vous n'y pensez pas? et C'est votre dernier mot?