"Fait néant" : l'édito de Sven Ortoli
Ne rien faire ? C’est l’injonction contemporaine qu’on appelle le niksen aux Pays-Bas, hygge au Danemark, ikigai au Japon. Autant de mots pour indiquer un manque, un excès et un besoin. Manque de sens, excès de faire, besoin d’être. Avec, pour corollaire, burn-out et grosse fatigue. D’où l’idée de pratiquer comme un art quelque chose qui s’appelle, faute de mieux, « ne rien faire ». D’Oblomov à Bartleby et jusqu’au bienheureux Alexandre, l’idée n’est pas neuve mais elle a pris une résonance particulière depuis la pandémie. La faute à l’hybridité épuisante d’un travail qui ne cesse jamais tout à fait. La faute aux Zoom, aux Meet, aux mails, aux Tweet, au temps qui file entre les doigts pianotant sur les portables comme s’ils étaient animés d’une volonté propre, incarnation XXIe siècle du conte des Chaussons rouges.
Pour le sociologue Hartmut Rosa, qui témoigne dans ces pages de la dictature des agendas, plus la technologie fait gagner du temps, moins nous en disposons. Moins nous en disposons et plus nous rêvons de moments glorieux d’inactivité. Et lorsque ceux-ci sont accordés, c’est souvent la panique. Ce n’est pas la nature qui a horreur du vide, c’est l’homme du divertissement pascalien dans sa version contemporaine. Celui ou celle dont le pire cauchemar se révèle lorsqu’il est seul, sans Internet, sans programme, sans to-do list, face à lui-même sur un quai de gare bordé d’abîmes, un néant qu’il faut combler urgemment de peur d’y sombrer. Mais le fait est que le rien n’est pas le néant. Le rien des philosophes et des enfants est comme le vide des physiciens, encombré de choses invisibles, nuages à tête de dragon, brindilles en forme de hallebardes, qui se révèlent pour peu qu’on accepte de les voir. « Rien faire, écrit Theodor Adorno, c’est se laisser aller au fil de l’eau et regarder tranquillement le ciel. » Il ajoute en citant Hegel : « Être, rien de plus, sans autre détermination ni désir d’accomplissement. » Attentif au monde, ouvert à l’imprévu, opportuniste sans intention. Un paresseux philosophique.
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