Intervention

Et si les voix des personnes âgées comptaient moins ?

Jean-Marie Pottier publié le 5 min

Du Brexit à la victoire de Donald Trump, les récents séismes électoraux laissent penser que les suffrages des plus âgés hypothèquent l’avenir des plus jeunes. De là, une proposition de réforme spectaculaire : et si la valeur du vote d’un électeur diminuait avec le nombre d’années ? Une idée antidémocratique ? Nous avons interrogé l’universitaire roumain Andrei Poama, qui a initié une plateforme de recherches sur ce sujet.

Les bouleversements électoraux de ces dernières années ont nourri l’idée d’accorder plus de poids au vote des jeunes par rapport à celui des « seniors ». À quand remonte cette réflexion ?

Andrei Poama : Ni au Brexit ni à la victoire de Donald Trump. Dès 1970, après la réélection de Ronald Reagan au poste de gouverneur de Californie, l’universitaire Dou­glas Stewart affirmait dans un article paru dans la revue The New Republic et intitulé « Disfranchise the Old » [« priver les vieux de leurs droits »] que, les personnes âgées étant davantage exemptées des conséquences de leur vote que les jeunes, il n’y avait pas de sens à leur donner le même pouvoir électoral. Stewart proposait de retirer le droit de vote soit à 70 ans, soit à l’âge du départ à la retraite. Ce genre de position constitue souvent l’expression d’un mécontentement électoral, mais il faut distinguer raisons et motivations : même si les motivations ne sont pas a priori très nobles, on peut développer des arguments philosophiques pour proposer de réduire le poids du vote des personnes âgées.

 

Lesquels ? 

Le philosophe belge Philippe Van Parijs pense cette question à partir d’une conception de la justice intergénérationnelle : il s’agit pour chaque génération de s’assurer que la situation socio-économique de la génération suivante n’est pas pire que la sienne. Van Parijs envisage alors d’accorder au départ trois voix à chaque électeur, puis de lui en retrancher une tous les vingt-cinq ans. Le philosophe britannique William MacAskill a développé une proposition similaire en partant d’un capital de six votes, mais à partir d’une pensée utilitariste : comme chacun vote en fonction de son avantage propre et que les préférences temporelles des personnes âgées sont définies à court terme, cela a des conséquences négatives, par exemple sur l’enjeu du climat. En Suisse, le politologue Silvano Möckli a mené une analyse en termes de domination politique : l’idée est d’éviter que, dans une démocratie, certains groupes d’âge en dominent d’autres. Il a donc proposé d’accorder deux droits de vote à 18 ans et de diminuer le poids de ce vote de 1 % chaque année.

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