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Le livre du jour

“Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques”, de Marcel Mauss

Catherine Portevin publié le 02 mars 2021 4 min

Donner, recevoir, rendre : tel est le système du don, et les trois gestes sont d’égale importance. L’anthropologue Marcel Mauss (1872-1950) a décrit le don comme un « fait social total ». Son œuvre entre cette année dans le domaine public. C’est l’occasion pour plusieurs éditeurs de rééditer son Essai sur le don, paru d’abord en revue en 1924 et réédité en majesté en 1950 aux PUF. Il reste un texte-phare, à la fécondité exceptionnelle. L’essai se présente comme un work in progress, bourré de notes qui sont autant de récits et réflexions. À partir de travaux réalisés auprès de « sociétés archaïques » polynésiennes, mélanésiennes et amérindiennes, Mauss dégage petit à petit la morale et l’économie qui sous-tendent nos sociétés modernes. Ce n’est pas la gratuité, ce n’est pas non plus le marché « marchand » – c’est l’échange, voire le combat, qu’engagent la liberté et l’obligation de donner, de recevoir, et de rendre ce qu’on a reçu. Claude Lévi-Strauss lui-même a lu l’Essai sur le don « le cœur battant, la tête bouillonnante », en y voyant une théorie « révolutionnaire ».

Les notions phares de Mauss

  • Le potlatch : Mauss s’inspire des travaux de Franz Boas sur les Amérindiens. Cette pratique a été attestée également dans d’autres cultures. Il s’agit de dépenses somptuaires faites pour recevoir un hôte. Les chefs y engagent parfois toutes les réserves de la communauté, obligeant l’hôte à un contre-don plus grand encore. C’est l’exemple de don « agonistique », dont le but est la lutte pour le prestige, parfois jusqu’au sacrifice et à la mort. Entre la fête et la guerre, la frontière est mince.
  • La kula : le mot signifie « cercle » pour les peuples des îles Trobriand (Nouvelle-Calédonie) étudiés par Malinowksi. Peuples de riches commerçants et navigateurs, ils s’échangent à chaque voyage des présents. Les objets ne doivent pas être gardés trop longtemps et sont rendus avec usure. C’est le modèle du transfert par lequel s’établissent des associations pacifiques de façon durable. Selon Mauss, « le don est apparemment libre et gratuit, et cependant contraint et intéressé ».
  • Le hau : « Quelle force y a-t-il dans la chose qu’on donne qui fait que le donataire la rende ? » Cette « force » ou « esprit des choses », c’est le hau (terme utilisé par les Maori). « Même abandonnée par le donateur, analyse Mauss, [la chose donnée] est encore quelque chose de lui ». C’est pourquoi il faut à nouveau la donner donc la rendre ou la faire circuler. On peut avoir du hau une interprétation magique – c’est pourquoi Lévi-Strauss laissera la notion de côté. Ou bien y voir la même chose que l’intérêt, comme dans un prêt à intérêt.

Quelques leçons contemporaines

  • « Le don non rendu rend inférieur celui qui l’a accepté, surtout quand il est reçu sans esprit de retour. » C’est pourquoi l’on peut entendre dans les conclusions de Mauss sur les sociétés contemporaines une volonté de rompre avec la charité de « l’aumônier ». De ce point de vue, les prestations sociales envisagées uniquement sous la forme d’assistance sont une régression de la morale du don.
  • Au contraire, Mauss, qui soutient le socialisme de Jaurès, ébauche, déjà en 1925, une préfiguration de ce que sera au sortir de la guerre la Sécurité sociale, fondée sur la mutualisation et justifiée ainsi : le travail salarié est, selon Mauss, un don de sa vie au-delà du labeur, qui appelle une contrepartie au-delà du salaire. La communauté n’est pas quitte envers le travailleur. L’État, la représentant avec son concours, lui doit « une certaine sécurité dans la vie, contre le chômage, contre la maladie, contre la vieillesse et la mort. »
  • Mauss n’oppose pas le système du don-échange ou don/contre-don au marché – on a vu combien au contraire entraient dans le don l’obligation, les relations de pouvoir et l’intérêt, même différé. Mais le marché n’est pas selon lui une main invisible, il est au contraire « un phénomène humain ». Mauss n’en déduit pas une politique de la gratuité et des biens essentiels, comme pourrait le laisser croire une lecture contemporaine anti-consumériste tournée vers la décroissance. Il dit : « Nous n’avons pas qu’une morale de marchands. »

Les éditions

La plus grand public : Chez Payot, l’Essai sur le don (288 p., 8,90€) est préfacé par l’économiste Baptiste Mylondo, partisan de la décroissance et du revenu universel, qui oriente la lecture de façon engagée mais très actuelle.

 

La plus chic : Chez Allia, le texte très agréablement imprimé (224 p., 10€), sans aucune autre présentation. Pas cher, mais intellectuellement élitiste.

 

La référence : en poche Quadrige aux PUF (264 p., 10,50€), le premier éditeur de Mauss en 1950, avec l’indépassable préface de l’anthropologue Florence Weber. La dernière réédition date de 2012. Les PUF viennent aussi de publier Sociologie, Psychologie, Physiologie, des textes assez méconnus de Marcel Mauss.

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