Empoisonnement massif de filles en Iran : ce que révèle cette attaque

Depuis quelques semaines, en Iran, de nombreux établissements d’éducation pour jeunes filles sont l’objet d’intoxications. Les auteurs de ces attaques restent difficiles à identifier, mais la stratégie d’intimidation interroge par sa forme. Analyse.

Le scénario décrit est toujours à peu près le même : une odeur étrange, suivie de nausées, d’essoufflement et de vertiges, conduisant parfois à des hospitalisations. En l’espace de quelques semaines, des centaines d’écoles, collèges et lycées de jeunes filles iraniennes ont été frappés par des vagues d’intoxication. Le phénomène a commencé dès novembre mais s’est généralisé ces dernières semaines, alors que les mouvements de protestation contre le régime, qui se sont mis en branle après la mort d’une jeune femme, Mahsa Amini, dans les locaux de la police des moeurs, ne faiblissent pas. Beaucoup d’opposants au régime font de celui-ci (ou de groupes islamistes chiites soutenus par le gouvernement) le responsable de ces empoisonnements, et y voient une « vengeance » contre les femmes en tête de la révolte. Le guide suprême Khomeini a de son côté qualifié les attaques de crimes « impardonnable ».

Arme des femmes, arme de l’impuissance

Plusieurs fils ambivalents se tissent dans ces empoisonnements. Sans présumer de l’identité des responsables, on peut supposer qu’il s’agit en majorité d’hommes. D’hommes qui, dans une certaine mesure, font usage contre des jeunes filles d’une arme – le poison, au sens large – qui passe pour l’arme des femmes dans l’imaginaire collectif. Dans le Coran, c’est bien une femme juive, Zaynab bint Al-Harith, qui tente d’assassiner Mahomet. Le poison est une arme « féminine » dans la mesure où la femme passe pour plus faible et plus fourbe que l’homme, incapable de le battre dans le corps-à-corps d’un affrontement physique. Plus généralement, on pourrait dire qu’elle est l’arme que l’on utilise contre un adversaire que l’on ne peut battre frontalement, « à la loyale », en face-à-face.