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Andrea Baldini en 2019 © Qilai Shen / Panos / Réa

Éloge de l’élégance

Andrea Baldini publié le 27 mai 2019 11 min

La philosophie classique a longtemps dédaigné la mode. Mais pour l’universitaire italien Andrea Baldini, notre style contribue à définir ce que nous sommes. Aussi audacieux dans ses choix vestimentaires que dans ses écrits, il redonne ici ses lettres de noblesse au chic masculin. Tenue de soirée exigée.

« Vous allez à un mariage, après la conférence ? » Lorsqu’un jeune professeur me posa cette question, ma réaction fut l’étonnement – étonnement dont Platon affirmait qu’il est au commencement même de la philosophie. J’étais alors étudiant, à peine plus jeune que mon interlocuteur. Sa question me laissa pantois : je ne savais pas comment la prendre, je me trouvais à court de repartie. Le costume-cravate que je portais alors me semblait être une tenue appropriée, voire exigée, dans un contexte professionnel. J’ai grandi en Italie, la Mecque de la mode masculine, où le port du costume n’est pas inhabituel chez les hommes, quels que soient leur métier ou leur âge. Dans les conférences philosophiques aux États-Unis, en revanche, ce n’était pas pratique courante.

Cette question exprimait bien plus que de la curiosité. L’intonation et la gestuelle qui l’accompagnaient indiquaient clairement que le professeur désapprouvait ma mise fringante. Son regard trahissait un mépris de la mode, considérée comme une perte de temps : « C’est un encombrement inutile », me confia-t-il. À ses yeux, les coquetteries vestimentaires n’avaient pas leur place dans l’emploi du temps déjà chargé d’un professeur de philosophie. « Non, répliquai-je. Oscar Wilde disait qu’“une cravate bien nouée est le premier pas sérieux dans la vie”, et, dans un certain sens, je souscris à ce point de vue. La mode constitue une dimension importante de l’existence. Elle nous définit à plusieurs égards et nous procure des satisfactions esthétiques quotidiennes. » Ainsi m’efforçais-je de formuler dans un jargon philosophiquement acceptable deux idées jusqu’alors assez confuses dans mon esprit : la mode est un élément esthétiquement gratifiant dans notre vie quotidienne et elle con­tribue à définir qui nous sommes.

 

La toge malpropre de Socrate

De tels préjugés contre la mode n’ont rien d’exceptionnel dans les milieux philosophiques. Ils sont largement partagés par les membres de la profession. Cette antipathie trouve des racines profondes dans l’histoire de la philosophie. Elle s’exprime déjà chez Socrate. Celui-ci, qui était très laid, ne se préoccupait guère de mode ou de style : il portait tous les jours la même toge mal­propre. Platon a érigé l’indifférence de Socrate envers son apparence en symbole de la métaphysique. Socrate, aussi disgracieux fût-il en apparence, était exceptionnellement beau par essence. Platon considère en effet que les apparences sont trompeuses, que la vérité se dissimule derrière le visible et que notre cheminement vers la connaissance est un processus de dévoilement. Søren Kierkegaard a bien illustré ce rapport entre vêtement et mystification : « Pour nager on se déshabille tout nu… Pour aspirer à la vérité il faut en un sens bien plus intime se dévêtir, se débarrasser d’un vêtement beaucoup plus intime de pensées, d’idées, d’égoïsme, etc., avant d’être assez nu » (Journal, janvier 1852). Si la vérité est nue, les pratiques vestimentaires sont donc intrinsèquement fallacieuses.

La philosophie, soupçonneuse envers la mode, a choisi de passer celle-ci sous silence. Les philosophes ont écarté les questions relatives au vêtement. Pas la moindre étude philosophique d’importance sur ce sujet ! Étonnamment, même les philosophes de l’art et de l’esthétique, pourtant censés s’intéresser aux apparences et à l’image, n’ont apporté aucune contribution notable à l’analyse de la mode et des pratiques vestimentaires.

Emmanuel Kant, le fondateur de l’esthétique moderne, ne consacre à la mode qu’un bref commentaire au détour de son Anthropologie d’un point de vue pragmatique (1785). Il refuse d’admettre que la mode puisse véritablement relever d’un jugement de goût : les choix vestimentaires reposent, selon lui, sur une imitation non critique et, par conséquent, n’appartiennent pas au domaine du bon goût, qui suppose l’originalité. Dès lors que la mode était rejetée par une telle autorité, les penseurs de l’esthétique postérieurs à Kant n’ont pas jugé bon de la faire sortir des oubliettes de la philosophie.

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