Du cœur à l’ouvrage
Cinq personnes témoignent de leur vie de bureau et cinq philosophes dessinent en réponse les frontières actuelles du travail. Un tableau contrasté qui met en regard ses différentes facettes : autant liberté qu’identité, solitude, aliénation ou encore source de reconnaissance.
« On n’a même pas besoin de penser »
René Ollier, 47 ans, technicien d’accueil client dans un centre d’appel à Rouen pour un opérateur télécoms.
« La première chose que je fais lorsque j’arrive le matin, c’est de rentrer mon identifiant. À partir de là, l’ordinateur suit à la trace tout ce que je fais : du temps passé à répondre à un client à celui pour aller aux toilettes. C’est un métier assez fatigant. On est assis autour d’une “marguerite”, une table à plusieurs personnes avec un petit panneau qui nous sépare. On est comme dans un box : yeux rivés sur l’écran, casque sur les oreilles, attaché à notre ordinateur. On suit un script avec des phrases types. Notre autonomie est très faible. Il y a une déshumanisation, et les clients se rendent compte qu’on ne parle pas toujours naturellement. Autour de nous, les “soutiens métiers” nous aident à résoudre les cas difficiles. On n’a même pas besoin de penser. Il y a aussi des “superviseurs” pour que tout le monde garde la cadence ; ils vérifient nos temps de pause et le nombre d’appels traités. Si la DMT (durée moyenne de traitement) est trop longue, le superviseur nous le signale. Il y a aussi l’écoute parallèle : le chef se met à côté de nous pour surveiller notre façon de répondre. Du fait d’être surveillé en permanence, on se sent isolé, on a peu de relations avec nos collègues. Quand on sort, on est vidé comme si le client aspirait notre moral. Si on ne s’habitue pas, on peut devenir dingue. Moi, si je n’ai pas le temps de faire mon footing, je ne me sens pas bien. Aujourd’hui, beaucoup de gens acceptent ce genre de travail, parce qu’ils n’ont rien d’autre. On ne peut pas faire ça quarante ans dans sa vie, même s’il faut bien travailler pour vivre » .
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